Réal Boisvert, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, le 14 décembre 2011
Un beau jour en revenant de l’école, un type s’est avancé vers moi et m’a balancé son poing en pleine figure. Je n’étais pas premier de classe. Ni chouchou, ni gros, ni petit. Mais je faisais mes devoirs à peu près correctement et j’avais de bons résultats scolaires. Dans ce temps-là et peut-être encore aujourd’hui, il était mal vu d’être bon élève.
Dans mes fantasmes les plus fous, tout sonné que je fusse, je me suis imaginé me relevant et terrassant mon agresseur avec une flopée de mots dévastateurs. Ce scénario tourne encore en boucle dans ma tête quand je vois un cas d’intimidation. Avec le gabarit que j’ai, tout ce que je peux opposer à la violence physique, c’est la violence verbale. Dieu m’en garde.
Homo homini lupus, dit le proverbe. L’homme est un loup pour l’homme. Et je me dis que sa cruauté ne s’exerce jamais autant que lorsqu’il se cache dans une meute. Car très souvent, l’homme se rassemble en bande, non pas pour affronter l’adversité, pour vaincre de graves périls, mais pour s’attaquer à plus faible que lui. C’est ce que font les chiens sauvages qui n’avancent qu’en reniflant la piste de la proie facile.
Mais il y a quelque chose au-dessus de l’homme. Il y a la civilisation. La culture. Le savoir. L’intelligence au sommet de l’instinct. C’est à cette seule hauteur qu’on peut déjouer la meute. On ne se hissera toutefois pas à ce niveau en écrasant la bête tout bas mais en lui tendant la main et en la tirant avec nous vers le haut. Selon les règles du respect et de la justice, la compassion n’excluant en rien la fermeté. La civilisation a accouché de la théorie de la relativité. Elle nous a donné Matisse. Puis Nelligan. Partant de là, on devrait être confiant de pouvoir adoucir les mœurs des intimidateurs.