Notre pain quotidien et la loi C-18

Normand D. Paquin, Le Trident de Wotton, décembre 2011

Durant la Nouvelle Année et celles qui suivront, les consommateurs de Wotton, de l' Estrie, du Québec et du Canada pourraient avoir des surprises concernant le prix du pain et des céréales de leur petit déjeuner. En effet, le 28 novembre dernier, fort de sa majorité à la Chambre des Communes, le Gouvernement Harper faisait adopter le controversé Projet de loi C-18 mettant fin au rôle de la Commission Canadienne du Blé (CCB) basée à Winnipeg en tant qu'acheteur unique de blé, de blé dur (durum) et d'orge produits par les agriculteurs des Prairies.

Créée en 1935, la Commission Canadienne du Blé avait pour objectifs de protéger les agriculteurs concernés contre les fluctuations excessives du marché et d'obtenir les meilleurs prix pour leurs produits sur les marchés mondiaux. En bout de ligne, cela évitait également aux consommateurs canadiens de faire face à des situations de flambées des prix pour des denrées essentielles, dont le pain confectionné à base de blé tendre, les pâtes alimentaires à base de blé dur et les céréales à base d'orge, dont le traditionnel gruau.

Le Gouvernement entend finaliser le dossier par l'adoption de la Loi par le Sénat, suivie de la sanction royale d'ici la fin de l'année. Quelque 70 000 agriculteurs seront touchés. Pourtant, 51 % des producteurs d'orge et 62 % des producteurs de blé des Prairies, sans parler des associations de consommateurs, souhaitent le maintien de la Commission dans sa forme actuelle, c'est-à-dire, contrôlée majoritairement par les agriculteurs concernés et dotée d'un membership obligatoire. Cette formule fait de la Commission Canadienne du Blé le principal vendeur de blé et d'orge en lui assurant le contrôle d'environ 20 % des transactions mondiales. Si, comme le prévoit le Projet de Loi C-18, la Commission Canadienne du Blé devait perdre sa suprématie d'acheteur unique de blé et d'orge des Prairies soutenue par un membership obligatoire, certains craignent que cela affaiblisse considérablement la position concurrentielle canadienne dans le monde et permettrait aux multinationales étrangères de prendre le contrôle de ce secteur alimentaire stratégique au Canada.

L'importance stratégique alimentaire de ce secteur a d'ailleurs été reconnue par le Gouvernement canadien lors des deux derniers conflits mondiaux, au point d'être assujettie aux législations prioritaires en temps de guerre.

Plus récemment, et à plusieurs reprises, les États-Unis et l'Union européenne ont tenté de saper le leadership de la Commission Canadienne du Blé dans les accords de libre-échange en accusant la Commission de concurrence déloyale profitant de l'aide de l'État alors qu'en réalité, ce sont les entreprises agro-alimentaires américaines et européennes qui profitent de subsides gouvernementaux.

À ce jour, ces tentatives visant à affaiblir la Commission Canadienne du Blé devant les tribunaux de l'Organisation Mondiale du Commerce se sont soldées par des échecs. Mais qui sait quel effet aura le Projet de Loi C-18 pour notre pain quotidien, tant au Canada que dans les pays pauvres, s'il est adopté, comme prévu, par le Sénat ?

 

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