Joyeux potimarron !

Yves Gagnon, Biobulle, La Pocatière, décembre 2011

J’adore les courges… Quand septembre revient, j'aime débusquer, sous un couvert de larges feuilles tropicales, ces voluptueuses baies bigarrées, symbole par excellence de l'exubérante fécondité du terroir américain. Je m'ennuie du temps où je participais à cette célébration de la biodiversité végétale en récoltant des dizaines de cultivars de courges. Courgeron, pâtisson, citrouille, potimarron, courge spaghetti, turban, à moelle, à cou droit, à cou tors, delicata et musquée ont longtemps contribué à mes extravagances culinaires et à mes fantasmes alimentaires.

Malheureusement, depuis que je me suis pris de passion pour la génétique, de façon à protéger la pureté génétique des cultivars dont je produis les semences, je me limite à la culture d'un seul cultivar de courge par espèce. Les courges d'hiver que nous connaissons ici font partie de trois espèces distinctes: Cucurbita pepo qui inclut les citrouilles, les courgerons, les courgettes, les pâtissons, les courges spaghetti et delicata; Cucurbita maxima qui compte les courges turban, Hubbard et les potimarrons; et enfin Cucurbita moschata qui comprend la délicieuse courge musquée. Afin de prévenir les croisements inopinés entre les membres de ces trois espèces, je dois m e résigner à la culture d'un seul cultivar par espèce, ce qui limite la diversité des fruits dont je dispose pour m'éclater culinairement durant les mois d'hiver. Je me fais cependant échangiste à l'automne avec d'autres jardiniers, de façon à ne pas consommer toujours les mêmes courges.

Cette année, j'ai semé des zucchinis, des potimarrons et des courges musquées. La récolte de potimarrons fut particulièrement abondante et je les expérimente depuis septembre à toutes les sauces. Cette courge, appelée Red Kuri en anglais, est la préférée des Français. Moins sucrée que la courge musquée, elle séduit par sa robe orangée, sa forme sphérique sensuelle et sa chair ferme au goût suave et voluptueux. Comme tous les autres membres de l'espèce maxima, le potimarron est adapté, rustique et facile de culture; il permet d'abondantes récoltes sous nos latitudes, pour peu qu'on lui octroie une généreuse dose de compost et suffisamment d'espace pour se répandre.

La chrysomèle rayée du concombre constitue sans contredit le principal trouble-fête pour les courges. Seul un agrotextile ou un tissu plein jour utilisé dès le semis en guise de couverture flottante permet de tenir ce ravageur à distance. Ce coléoptère, en plus d'être très vorace à un stade où les plants sont jeunes et vulnérables, peut transmettre le flétrissement bactérien et la mosaïque du concombre, deux maladies qui ne pardonnent pas. On laisse le tissu protecteur en place jusqu'à la floraison afin de permettre la pollinisation des fleurs par les insectes. Les chrysomèles, n'ayant pas trouvé à se sustenter, auront à ce moment dû trouver un milieu plus favorable à leur survie et à leur reproduction. Je n’ai observé aucune chrysomèle sur mes plants cet été à partir de ce stade.

En fin de saison, on veillera à tailler les extrémités des vignes afin de donner le signal aux plants qu'ils doivent mûrir leurs fruits. Tous les petits fruits n'ayant pas le temps de se rendre à terme seront taillés. Si un gel hâtif est prévu, on peut protéger les plants d'un premier gel à l'aide d'une toile. Souvent, du temps chaud suit ce premier gel ce qui permet d'atteindre une maturité optimale.

J’ai dû récolter une cinquantaine de potimarrons de tailles diverses, tous parfaitement orange, gage de leur pleine maturité. Les petites ornent la table de cuisine alors que les plus grosses m’ont permis de créer de surprenantes lanternes décoratives. Comme cette courge se conserve jusqu'à la fin de l’hiver, je dispose de nombreux  mois pour explorer son potentiel culinaire : je l'intègre à mes plats de légumineuses, j 'en fais d'onctueuses purées que je marie à celle des panais, des carottes ou des pommes de terre; je la cuis au four comme légume d'accompagnement, je l 'emploie en purée pour préparer des tartes, des muffins, des gâteaux ou des biscuits moelleux, j'en fais des quiches délinquantes, je la saute au wok à la façon orientale, mais surtout j'en fais un potage onctueux dont je ne me lasse jamais.

 

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