Pour l’avenir de nos communautés : Solidarité rurale en tournée

Marjolaine Jolicoeur, L’Horizon des Basques, novembre 2011

« Il ne faut jamais oublier que tant vaut le village, tant vaut le pays », a répété a plusieurs reprises Claire Bolduc, présidente de Solidarité rurale, lors d’une rencontre à Saint-Cyprien, première étape d’une tournée de 29 consultations citoyennes à travers le Québec. Trois forums viendront compléter ces consultations puis Solidarité rurale déposera un avis sur le renouvellement de la Politique nationale de la ruralité, prévue dans deux ans.

Lors de cette soirée, près de soixante personnes, préfets, maires, agents ruraux, intervenant(es) sociaux, culturels ou simples citoyen(nes) étaient présents pour exprimer leur inquiétude, leur espoir ainsi que leur vision pour la ruralité de demain. Quel avenir souhaitons-nous pour nos communautés rurales, de quels outils de développement avons-nous besoin pour atteindre nos objectifs ? Au micro, plusieurs intervenant(es) ont répondu à ces interrogations et présenté un portrait du territoire.

Michel Moreau, agent de développement rural dans la MRC des Basques, a indiqué qu’en 2010, 23,7 % de sa population était âgée de 65 ans et plus, alors qu’au Témiscouata ce pourcentage est de 19,9 %. Le revenu moyen disponible par habitant dans les Basques, en 2009, s’élevait à 20 250 $, dans le Bas-Saint-Laurent à 22 315 $. Plus que jamais, a-t-il constaté, la « mobilisation citoyenne » est nécessaire pour contrer la pauvreté, le chômage et les emplois sous-payés. « Il faut maintenir le niveau d’intérêt suite aux activités mobilisantes initiées autant par les élus locaux que par les comités de développement. »

Rien n’est gagné et tout est toujours à recommencer. Il faut constamment se battre pour maintenir les services de proximité, les écoles, les bureaux de poste, les églises et les magasins d’alimentation.  Lors de quelques interventions, on a senti une forme de grogne envers « les fonctionnaires qui ignorent la problématique rurale » et sur les récentes coupures gouvernementales n’ayant pas épargné les milieux ruraux. Plusieurs ont relevé certaines aberrations, comme le fait par exemple, que le lait soit produit sur le territoire, mais transformé à Montréal. « Pourtant, des vaches on n’en trouve pas tellement à Montréal », a dit en riant un agriculteur pour dénoncer ce gaspillage d’énergie et ce non-sens écologique. L’achat local des denrées alimentaires se doit d’être privilégié tout comme celui des matériaux de construction, tel que le bois.

Soutenir la compétence régionale mais aussi opter pour la décentralisation en réglant les problèmes localement. Les territoires aspirent, depuis de nombreuses années, à devenir de véritables lieux de décisions, à être autonomes. La modulation, mot-clé du développement rural, accorde des aides financières qui doivent tenir compte des besoins spécifiques et de la réalité propre à chaque région. Mais le développement rural c’est aussi reconnaître l’importance de la prise en charge du milieu par le milieu. « On n’a pas besoin d’être contrôlé, on est en masse capables de se contrôler nous-mêmes » a lancé un citoyen du Témiscouata en ajoutant, sous les applaudissements de la salle, que « la modulation, c’est chez-nous ! ».

Il a aussi été question de la crise forestière à laquelle s’ajoutent les fermetures de plus en plus nombreuses de fermes agricoles. La ruralité de demain n’englobera pas que l’agriculture. Pour survivre, elle aura besoin de nouvelles activités économiques qui toucheront les énergies renouvelables provenant de la biomasse et des éoliennes, les arts, la culture, les coopératives, les médias communautaires, la technologie ou les loisirs récréo-touristiques. Un citoyen de Saint-Cyprien a cependant mis un bémol sur ce développement du tourisme en milieu rural qui « se tourne vers des solutions extérieures au lieu d’accorder plus d’attention aux citoyen(nes) et à leur milieu de vie. »

 

Pour soutenir ces stratégies diversifiées d’occupation, une ristourne sur l’exploitation des richesses naturelles du territoire – forêt, eau ou mines – s’avère cruciale. Déterminante aussi qu’une meilleure collaboration s’établisse entre les Centres locaux de développement (CLD),  les Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC), les MRC, les commissions scolaires, les organismes sociaux, communautaires ou de santé, les comités de développement et les élus locaux.

Innover mais aussi élargir les débats sur des enjeux impliquant autant les ruraux que les urbains. Y parvenir en s’engageant dans un processus global car certaines problématiques des collectivités rurales s’appliquent à tout le Québec, à un projet de société, à un pays à bâtir. Pour Mme Bolduc « le modèle économique dominant vide nos territoires de leurs communautés et épuise nos ressources. Il est à repenser car nous ne sommes pas que des données comptables. Plus que jamais, l’économie doit se placer au service des citoyen(nes). » Dans un vibrant appel au changement des mentalités, à l’engagement des citoyen(nes) et à la vraie démocratie, Mme Bolduc a conclu cette soirée de consultation pour l’avenir de la ruralité en demandant à tous « de s’engager à transformer les institutions qui présentement ne nous écoutent plus. Serrons-nous les coudes, faisons du bruit pour nous faire reconnaître car notre voix doit demeurer forte pour être entendue par toute la société québécoise. »

« Il faut donner aux ruraux les moyens de s’exprimer mais aussi leur redonner la fierté de leur milieu, le sentiment qu’ils existent et qu’ils doivent se faire confiance » a fait valoir Mme Bolduc en rappelant qu’il y a 370 000 emplois dans les villes qui dépendent des activités des collectivités rurales et que cela représente 30 % du PIB. « Nos territoires, c’est la source de la prospérité de l’ensemble du Québec. »

Solidarité rurale a été créée en 1991 pour assurer le suivi des États généraux du monde rural. Sa mission ? Promouvoir la revitalisation des communautés rurales en partenariat avec des organismes aussi divers que les MRC, les municipalités, les CLD, les syndicats, le Mouvement des caisses Desjardins, l’Union des producteurs agricoles ou l’Assemblée des évêques catholiques du Québec. Elle est composée de 200 membres corporatifs et individuels et agit, depuis juin l997, à titre d’instance-conseil en matière de ruralité auprès du gouvernement du Québec.

Afin de soutenir les initiatives locales des ruraux le Québec a adopté, en 2001, la Politique nationale de la ruralité. Lors de sa mise en œuvre, elle a permis l’embauche d’agents ruraux ainsi que la création du Pacte rural, un fonds  destiné à  financer des projets de développement.

Sera-t-elle renouvelée et quelle sera la prochaine phase pour le Québec rural ? Mme Bolduc considère cette politique comme l’une des plus performantes au monde, mais pense qu’elle peut encore s’améliorer. « En dix ans, les milieux ruraux ont changé. Des voies d’avenir inspirantes et des enjeux se tracent. Il nous appartient d’imaginer la suite. Ce que nous avons obtenu, nous les ruraux, nous l’avons eu à force de mobilisation et de solidarité. Cette fois ne fera pas exception. »

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