Mathieu Max-Gessler, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, septembre 2011
Les explications à propos du problème de la relève sont nombreuses. Pourtant, la plus simple d'entre elle n'est pas souvent évoquée par les responsables d'organismes communautaires : le choc des générations.
La relève tant recherchée par le milieu communautaire fait partie de la génération Y et a entre 15 et 31 ans. Une tranche d'âge que connaît très bien le conférencier de renommée internationale Carol Allain, puisqu'il lui a consacré deux ouvrages, Enfant-roi : tout tout de suite et Le choc de générations. Cohabiter une responsabilité partagée. « Les Y viennent souvent d'une famille de deux enfants ou moins, explique-t-il. La majorité a vécu le divorce de leurs parents à l'adolescence et sont habitués à une grande permissivité, à la négociation et aux compromis. On ne les a pas éduqués aux contraintes et aux limites. »
Les Y s'attendent à retrouver la latitude et la liberté dont ils ont joui pendant leur enfance et leur adolescence sur le marché du travail. Selon M. Allain, les employeurs n'auront donc pas le choix d'ouvrir leurs oreilles. « Il faut leur faire confiance et souvent leur demander de partager leurs idées. Garder un Y dans le silence, c'est la mort ! »
Cette génération a aussi une définition bien particulière du temps. Selon M. Allain, contrairement aux baby-boomers, pour qui ancienneté et expérience sont synonymes de compétence, les Y accordent peu d'importance à la sécurité d'emploi. « Ils auront plusieurs carrières différentes dans leur vie, ils changeront souvent de domaine. Par exemple, les Y qui travaillent dans renseignement restent habituellement moins de cinq ans. Pour eux, deux ans, c'est une éternité ! »
Michel Simard, directeur général du Centre Le Havre qui accueille les personnes itinérantes, en a vu défiler des jeunes, en 25 ans d'expérience. Comme dans la plupart des organismes communautaires de la Mauricie, peu sont restés. Sa vision diffère toutefois de celle de M. Allain. « Dès le primaire, les jeunes ont été éduqués dans la culture de performance, qui est dominante dans notre société. Quand ils arrivent ici, ils veulent rendre les gens autonomes, mais certains ne le seront jamais à cause de leur passé. Beaucoup de jeunes ne sont pas capables d'accepter ça. »
Les responsables d'organismes communautaires n'ont pas tort lorsqu'ils évoquent le salaire comme frein à la rétention de leurs jeunes employés. Carol Allain ajoute toutefois un bémol. « Les Y sont habitués à vivre dans le neuf et ils ont eu une voiture très tôt. Mais contrairement aux boomers, qui ont pour finalité la matérialité, ils n’achèteront pas de grandes maisons, ils seront mieux dans un trois et demi. Mais il faut que ça bouge dans cet appartement ! » Autre bonne nouvelle pour les organismes communautaires : les Y veulent un horaire flexible et beaucoup de vacances, ce qu'ils peuvent offrir à défaut d'un meilleur salaire.
Les Y n'ont pas que des tares : ils ont également nombre de qualités que les employeurs sauront apprécier, selon Carol Allain. « Ils ont de l'initiative, une ouverture sur le monde et s'intègrent très bien dans la différence. C'est une jeunesse très curieuse, ce qui est une rareté. » Michel Simard croit également que les jeunes ont beaucoup à apporter au milieu communautaire. « Je ne peux pas généraliser, mais je crois qu'ils ont un sens plus grand de la fragilité du monde dans lequel ils vivent.
Ils veulent travailler pour le bien commun même si leur univers semble se refermer : le coût de la vie augmente et le nombre de postes diminue. Face à cette réalité, certains vont s'engager pour changer les choses, pas se contenter d'entrer dans le système. ». Comment garder les jeunes dans le milieu communautaire ? Carol Allain n'a qu'un conseil pour les responsables d'organismes : mettre les jeunes en réseau. « Il faut les rassembler car les Y se sent bien en groupe. Mon conseil est d'organiser un événement, peut-être en regroupant plusieurs organismes du même domaine. Je suis sûr qu'à la fin de la soirée, vous aurez plusieurs candidats intéressants. De toutes façons, les Y ne distribue plus de CV : il rencontre. »