Difficile pour les utilisateurs de drogues injectables

Nathalie Côté, Droit de parole, Québec, novembre 2011

On assistera bientôt à l’ouverture de services d’injection supervisée à Québec. Ira-t-on les terrer en banlieue ou seront-ils accessibles à ceux et celles qui en ont besoin ? La Cour suprême du Canada a pris le parti de la santé publique en septembre dernier en légalisant le travail d’Insite, le site d’injection supervisée de Vancouver. On se rappellera que la Cour suprême répondait à une demande du gouvernement conservateur qui voulait faire fermer le centre.

À Québec, le débat a commencé avec les audiences du conseil de quartier de St-Roch, en mai 2011. C’était après l’annonce des intentions du centre communautaire Point de Repères d’ouvrir un site d’injection supervisée au centre-ville.

Les travailleurs et travailleuses de rue de Point de Repères sont actifs à Québec depuis 1991. Ils distribuent des condoms et des seringues neuves aux utilisateurs de drogues injectables (UDI). Ce type de prévention a contribué à la diminution du VIH et de l’hépatite C.

Un communiqué de presse de ministère de la Santé et des Services sociaux publié le 11 octobre rappelait que le jugement de la Cour suprême « démontre notamment que la toxicomanie est une maladie et que les centres d’injection supervisée peuvent sauver des vies ». Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, déclarait alors : « J’ai discuté avec Cactus Montréal et Point de Repères des conditions nécessaires [pour] l’implantation de services d’injection supervisée au Québec, notamment de la nécessité de consensus autour de tels projets. La population, […] les centres de santé et de services sociaux, les municipalités et les services de police doivent être consultés et impliqués. »

Le jugement ne légalise pas la vente de drogue. N’importe qui peut se faire arrêter sur la rue pour simple possession. Mario Gagnon, directeur de Point de Repères, explique que « le jugement protège les personnes qui s’injectent des drogues lorsqu’elles sont à l’intérieur des locaux des centres d’injection supervisée. Et il protège les travailleurs et les travailleuses qui y oeuvrent ».

 

Près des soupes populaires

 

Longtemps situé au sous-sol de l’église St-Roch, Point de repères a dû déménager sur Dorchester, au coin de la rue Lalemant, en 2009. Depuis, l’organisme qui vient en aide aux toxicomanes a vu sa fréquentation diminuer de moitié. Pourtant ce n’est qu’à quelques coins de rue de son ancien local. Mario Gagnon explique ainsi la baisse de fréquentation : « Lorsque le centre était sur St-Joseph, c’était sur la route des soupes populaires, depuis la Maison Revivre sur la rue St-Vallier jusqu’à Lauberivière sur St-Paul : quand tu es marginal, c’est là que se trouvent les ressources. Comme dans tous les milieux urbains, quand tu as besoin d’un lit, d’un sandwich, tu te retrouves au centre-ville. » Depuis que le site est sur Lalement, les travailleurs de rue doivent aller vers les toxicomanes, limitant par conséquent l’achalandage à Point de Repères.

Cela renforce l’impression que la Ville veut exclure les marginaux du « Nouvo » St-Roch pour faire plaisir aux commerçants. « C’est faux ! », réplique Mario Gagnon : « La Ville, elle sait que St-Roch reste un des quartiers les plus pauvres de Québec. Et puis, dans tous les centres villes, on retrouve des problèmes d’itinérance. Ce sont des problématiques urbaines et les élus sont conscients de ça. La question est plutôt de se demander : « Comment, ensemble, on se préoccupe de la santé des gens, des habitants ? » Cette question se pose aussi pour les soupes populaires comme pour les groupes en santé mentale : c’est l’enjeu de la mixité dans Saint-Roch.

 

Prochaines consultations

 

Pour faire suite au jugement de la Cour suprême et à l’ouverture démontrée par le ministre Bolduc, « la direction de la santé publique [de la région de la capitale-nationale] aura le mandat d’assoir tout le monde ensemble », explique Mario Gagnon. « [Ces consultations] vont sûrement commencer d’ici quelques mois. À Point de Repères, nous serons un des acteurs au même titre que les commerçants et les usagers. […] Il faudra discuter avec les gens. Il y a plein de craintes. Nous devrons nous entendre avec la police, avec les commerçants, avec la population, comme avec la Ville. Il faut aussi que les consommateurs de drogues fassent partie du processus. Ils doivent faire partie de la discussion ! », pour déboulonner les préjugés et favoriser l’inclusion. « C’est ça le mouvement communautaire », conclut le directeur de Point de Repères. « Il faut être à l’écoute de la population. On est des acteurs des changements sociaux. »
 

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