Jean-Paul Filion, L’arbre libre

Normand Gagnon, Autour de l’île, l’île d’Orléans, octobre 2011

Le lancement du film documentaire sur la vie et l'oeuvre de Jean-Paul Filion, le 17 septembre 2011 à l'Espace Félix-Leclerc, aura été l'occasion d'une soirée aussi mémorable que touchante pour ceux et celles qui y assistaient.

La salle étant composée pour une bonne part de parents, d'amis et de proches de l'artiste, certains auraient pu se considérer comme des intrus dans ce cercle intime. Il n'en fut rien. Très vite, dès la première partie de la soirée consacrée à des témoignages, à des lectures d'écrits de Jean-Paul et à ses musiques nous nous sommes sentis invités avec bienveillance dans son univers personnel, pictural, poétique et musical : Pierre Bernier, un de ses éditeurs. récite un très beau texte, Ciné-fleuve, dont il nous dira par la suite que « tout Jean-Paul est là » ; son fils, Emmanuel, reprend en chanson La hache, un texte inédit écrit en 1967 et qui en souligne l'étrange actualité… Mais aussi et surtout la troublante séquence du spectacle Les Passeurs d 'Airs où l'on voit, sur grand écran, M. Filion jouer La Grondeuse tandis que l'accompagne au violon sur la scène, proche de nous, Liette Remon, amie, complice et auteure du spectacle ; une « résurrection » d' autant plus bouleversante que J.-P Filion est décédé il y a quelques mois à peine.

« Dans une danse de mouche à feu, nous avançons gaiment sur une mousse de cristal, à même une nappe de soleil qui allonge ses trainées partout devant nos yeux givrés. Nous marchions sur un miroir, et cela nous fit lus beaux que nature » – extrait de Ciné-fleuve.

La deuxième partie de l'événement fut consacrée au film Jean-Paul Filion, l'arbre libre. Au moment de sa présentation, la réalisatrice Lina Remon raconte avoir été subjuguée et fascinée par l'ampleur des talents de M. Filion. « Ses écrits, nous dit-elle alors, me chavirent [ses mélodies m'envoûtent et ses peintures me ravissent l'âme » justifiant du même coup le titre du documentaire qui évoque autant l'exceptionnelle diversité des modes d'expression de l'artiste que les espaces de liberté qu'il s'est donnés.

Touchant, le documentaire nous fait mieux connaître ce grand artiste à l'impressionnante feuille de route. La parole est à lui et il se raconte avec humilité (sans fausse modestie), humour et parfois autodérision. On ne tarde pas à percevoir sa grande humanité et à comprendre toute l'affection que lui portent ses proches. La scène d'entrée est d'ailleurs éloquente sur le sujet et sur les intentions de la cinéaste : des amis, Liette et Paul, s'amènent à la maison familiale de Jean-Paul (Côte-de-Beaupré) qui les accueille avec empressement ; la note d'humour des retours sur images rythmées par La parenté indique clairement l'atmosphère de l'œuvre qui emprunte à l'état d'esprit enjoué et à la joie de vivre de l’hôte. Le ton est donné. Le reste est une grande fresque où se joue une vie – et l'histoire du Québec – sous nos yeux, dans ce décor visuel et sonore fait de ses œuvres picturales et du violon omniprésent : le rôle salvateur de la musique face aux tourments de sa jeunesse ; Montréal, lieu de découverte de l'art et de la peinture en particulier (études à l'École des Beaux-Arts) et de la vie de bohème.

Bref, un film à la hauteur du sujet qui montre toute la richesse d'un artiste phare dont les écrits fortement imprégnés d'humanisme nous ramènent à l'essentiel.

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