Hélène Ouellette, L’Itinéraire, Montréal, le 14 octobre 2011
Je suis l'une des 28 sardines de l'une de ces petites boîtes qui servent d'habitat à des personnes pauvres mais pas itinérantes, ou du moins pas pour le moment, ayant eu un peu de chance. Ce sont des logements qualifiés de Ph ou de studios selon la mode du jour. N'ayant pas de bail et payant moins cher que pour bien des chambres, je considère tout de même que je suis bien logée. En effet, le logement est très petit, mais j'ai ma salle de bain et un « racoin » que je nomme mon bureau. L'immeuble est très bien entretenu grâce à un concierge humain qui veut que les occupants se sentent bien chez eux. Ce qui me manque le plus, c'est un balcon, de l'espace !
J'ai loué ce logement en plein burn out dû à une dépression situationnelle. Ce contexte m'avait condamnée à la pauvreté, et donc à la survie ! Malgré tout, ces dernières années m'ont amenée à vivre dans un environnement particulièrement chaleureux. Je me retrouve avec une majorité de voisins ayant eu, eux aussi à vivre des situations socialement difficiles. Je me sens moins isolée.
En octobre, j'ai eu 60 ans. La pression sociale est très forte pour les pauvres qui vieillissent. Depuis plusieurs années, j'espère avoir un logement social. Chaque année, l'Office municipal d'habitation de Montréal est très heureux de m'annoncer que j'ai droit, en raison de mon faible revenu annuel, à un logement familial, soit un 3 1/2.
D'après les fonctionnaires, j'ai un petit plus de chance d'en obtenir un plus rapidement, car mon âge fait avancer mon pointage dans la liste d'attente. Je me suis donc informée auprès de l'Office et, comme je le craignais, je vais devoir accepter un HLM pour personnes âgées. C'est le prix à payer moralement si je veux un loyer moins cher, un appartement avec une chambre fermée et… mon balcon !
J'en suis épouvantée ! Mais c'est quoi ces ghettos administratifs, où on catégorise les gens selon leur âge ? J'ai l'impression que je vais entrer dans la phase un de l'accompagnement aux mourants de cette société. Suis-je une jeune vieille ou une vieille jeune ? C'est la question, comme dirait Shakespeare.
Selon moi, tout le monde, à chaque âge, devrait avoir sa place et pouvoir s'investir à sa mesure dans une société. Mais la société qui nous régit est essentiellement portée sur le profit et non sur le bien-être des humains.
On parle beaucoup de l'importance des rapports intergénérationnels gouvernement, dans les groupes communautaires, dans les médias, etc. Mais qu'attendons-nous pour exiger des logements sociaux qui seraient représentatifs de notre société ? Des jeunes, des vieux, des couples, des enfants, etc. Ainsi, nous pourrions développer des rapports d'amitié, d'entraide, de partage, et briser cet isolement social qui nous détruit intérieurement. Je vais donner un exemple : notre gouvernement québécois ne met pas en place suffisamment de garderies par rapport à la demande. Des garderies privées offrent de garder votre enfant pour plus de 40 $ par jour ! Les personnes âgées ou autres pourraient garder des enfants, prendre soin d'un malade ou aider une personne à remplir des formulaires, etc. Gouvernements, avez-vous peur que cette mixité de personnes de tous acabits s'unit pour améliorer leurs conditions de vie ?