Mélanie Legrand, Au fil de La Boyer, Saint-Charles-de-Bellechasse, octobre 20111
Les personnes qui côtoient le lac de près ou de loin ne sont pas sans savoir que des actions sont prises depuis quelques années pour préserver et améliorer la qualité du lac Saint- Charles. Mais pourquoi ? De quoi doit-il être protégé ? Que se passe-t-il dans notre lac, et que se passe-t-il dans les lacs du Québec ?
Partout au Québec
Encore à ce jour, le monde entier envie les espaces québécois, vastes et regorgeant de verdure. Cette qualité est devenue avec le temps un facteur important de notre nonchalance et personne n’a vu venir les dangers de la pollution. Contrairement aux pays européens (manquant d’espace) qui ont développé depuis plusieurs décennies des procédés de récupération, de recyclage et d’énergie alternative, au Québec, nous nous sommes contentés de poursuivre nos habitudes car nous ne voyions pas. Nous ne voyions pas l’immensité des aires d’enfouissement à ciel ouvert, le gaspillage de l’eau potable, les procédés énergivores et la pollution. Et ce qui ne se voit pas ne se sait pas.
Puisque nous n’avions pas été alarmés de l’impact de nos habitudes de vies, personne n’a été contraint de les changer, jusqu’à maintenant. Toutes ces années d’abondance se sont concentrées et le déséquilibre naturel se montre maintenant. Paf ! La situation des lacs au Québec est pratiquement la même pour toutes les régions. L’humain a développé, non pas par mauvaise volonté mais par non connaissance, des endroits de villégiature sans se préoccuper des répercussions de ses actions. L’évacuation des déchets organiques se faisait directement dans les sols, ou dans les eaux (rivières, lacs, fleuve), les sols ont été fertilisés afin d’avoir un gazon plus vert que vert, l’enrochement des rives a été privilégié pour son esthétisme, les arbres et arbustes ont été coupés afin de mieux accéder ou contempler les rivages, les terrains ont été drainés et des canalisations ont été posées afin d’assécher les terrains et permettre les cultures. Finalement, les activités nautiques se sont développées…
… Tout cela a eu un coût, et nous le payons maintenant. La déforestation des rives a non seulement entraîné des glissements de terrains, mais a contribué, avec l’enrochement, à la hausse de la température des cours d’eau. Les nutriments (eaux usées, savons et lessivage des engrais (emmenés dans les cours d’eau par la pluie et la fonte des neiges) dans les eaux ont nourri les algues, et n’ont pu être interceptés par les arbustes qui ont été précédemment retirés. Le drainage et les canalisations des terrains ont retiré une source précieuse d’alimentation en eau aux lacs, diminuant le taux de renouvellement de l’eau (temps pour lequel le lac se régénère). Quant à elles, les activités nautiques ont brassé les fonds des eaux et ont permis de les contaminer par le brassage des sédiments, elles ont contribué à l’alimentation des algues en éléments nutritifs et ont finalement participé à la prolifération des espèces aquatiques envahissantes (en mettant à l’eau dans divers plans d’eau les bateaux, kayaks, pédalos, etc. sans les laver au préalable).
La préoccupation de l’état de santé des lacs fait maintenant partie de l’actualité. On pense au lac Sergent, contaminé par la présence du myriophylle à épi (une plante aquatique envahissante), alimenté par le déversement d’installations sceptiques en zone inondable et dont les habitants devront se partager des taxes très salées pour l’installation d’un réseau d’aqueduc (2 000 $/an pour les vingt prochaines années) ou d’installer des fosses septiques scellées et payer plusieurs vidanges annuelles (environ 5 000 $/année pour une famille). On pense au lac Saint-Augustin qui entreprend des travaux d’importance pour l’élimination de la pollution de son lac comme la création de deux marais pour retenir le phosphore et probablement d’un marais salant pour protéger du ruissellement des sels de déglaçage de l’autoroute 40, du raccordement d’une centaine de résidences au réseau d’aqueduc en plus du projet-pilote de l’Université Laval pour restaurer le lac (le projet est prolongé jusqu’en 2012). On pense aux travaux faits et aux changements de pratique également instaurés au lac Saint-Charles (à Québec) depuis plusieurs années… La préoccupation des lacs est omniprésente et unanime. Il faut sauver nos lacs et cours d’eau !
À Saint-Charles-de-Bellechasse
L’historique du lac Saint-Charles est semblable à tous les autres lacs. Des personnes qui ont désiré vivre en nature ont élu domicile dans un endroit de rêve. Comme partout, alors qu’on ne savait pas, les activités humaines ont créé une pression sur le lac : les terrains ont été drainés, des entrées d’eau au lac détournées, des fertilisants utilisés, des berges aménagées, les fonds du lac brassés, des déversements directs des déchets humains dans le sol, etc. Maintenant que l’on sait, des actions ont été prises afin de préserver et éventuellement restaurer l’environnement des lacs de la municipalité.
Les cyanobactéries, le phosphore et les coliformes dans l’eau
C’est grâce notamment à la photosynthèse créée par les cyanobactéries que la vie s’est développée il y a 4 millions d’années sur terre. On compte plus de 7 000 espèces de cyanobactéries, et quelques dizaines d’entre elles produisent des cyanotoxines. La dangerosité vient de la concentration de ces toxines et c’est pour cette raison qu’elles sont surveillées par le MDDEP (ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs) lors d’éclosion de fleurs d’eau (densité d’algues bleu-vert visibles à l’oeil nu). Il est très difficile de prévoir les éclosions de fleurs d’eau. En général, il faut une eau calme et chaude. Elles semblent disparaître lorsque les eaux sont brassées, mais elles ne font que disparaître de la surface, elles se réalimentent dans les sédiments et se multiplient davantage. À d’autres moments, elles peuvent proliférer dans des eaux courantes, et même sous la glace en plein hiver ! Cet été encore, des avis de la direction de la santé publique ont été livrés aux propriétaires du lac concernant la concentration élevée de cyanobactéries et de cyanotoxines dans le lac. Leur présence a été décelée plus tôt cette année que les années antérieures. Au moment où le présent article est écrit, le lac détenait toujours une cote C, c’est-à-dire que la densité de cyanobactéries et de cyanotoxines dépasse les seuils visant à protéger l’usage le plus sensible (eau potable, baignade, etc.).
Ces fleurs d’eau perturbent l’équilibre écologique de notre lac et les cyanotoxines, en trop grand nombre, peuvent présenter un risque pour la santé. Trois types de toxines peuvent tantôt irriter ou causer des réactions allergiques, tantôt affecter le système nerveux, le foie des humains et des animaux aussi. Les avis de non baignade ou de non-utilisation de l’eau affectée diffusée par la DSP (direction de la santé publique) et la municipalité sont à prendre au sérieux !
Le phosphore est le principal responsable du développement des cyanobactéries et sa présence est un indicateur de l’état d’eutrophisation (vieillissement) du lac. Le phosphore vient normalement des eaux usées des maisons, des engrais, du compost. Notre lac, qui est situé sur une tourbière, possède naturellement une quantité élevée de phosphore. C’est pour cette raison que des actions sévères ont dû être posées. La quantité minimale de phosphore étant naturellement plus haute que dans les autres lacs, la quantité maximale de phosphore rejeté se doit logiquement d’être plus basse que dans les autres lacs afin de ne pas dépasser « le point de non-retour ». Afin d’illustrer un exemple, dans mon ancienne vie (aquaculture), je mesurais la quantité de phosphore en μg/L (microgrammes par litre). Dans les analyses qui sont faites par la MRC, les résultats sont donnés en mg/L (milligrammes par litre). L’unité de mesure est mille fois plus élevée ! Depuis un an toutefois, la courbe de phosphore dans le lac tend à diminuer. Si la tendance se maintient, cela voudra dire que les cyanobactéries (et autres algues) auront moins de nourriture, donc leur multiplication pourrait ralentir.
Comme il n’y a pas de mesure unique afin de connaître l’état de santé d’un plan d’eau, la quantité de coliformes fécaux est également vérifiée, afin de connaître et témoigner de l’évolution de la contamination en eaux peu profondes. Les coliformes sont des bactéries intestinales présentes dans les excréments de tous les mammifères. Quant à elle, cette étude, vacille énormément, car elle ne démontre qu’en un temps précis, à un endroit précis, la quantité de bactéries présentes. Il est très difficile d’établir une moyenne, mais en contrepartie, cette étude présente une photo réaliste en un temps donné de la contamination de l’eau. Ces résultats pourraient aussi varier selon la présence ou non des oiseaux migrateurs dont le nombre est en constante évolution sur les lacs. La poursuite de ces analyses permettra d’effectuer un lien direct entre les activités humaines et animales sur le lac.
Le lac est malade
En ce moment plusieurs acteurs unissent leurs forces afin qu’il se rétablisse le mieux possible. Les traitements seront multiples, et la convalescence longue, mais en travaillant tous ensemble, en concertation et en échangeant avec les autres localités vivant avec le même problème, nous pourrons sauver ces héritages naturels que sont nos lacs.
L’urgence est naturellement mise sur l’état d’hypereutrophisation (eutrophisation sévère) du lac et encore bien d’autres actions devront être posées, certaines plus facilement que d’autres. Tous ont à coeur la santé du lac et tous n’ont pas nécessairement les mêmes préoccupations environnementales et c’est tant mieux, car c’est avec ces différences que le problème est vu dans son ensemble et permettra de développer des pistes de solutions intéressantes.