Forillon : Pourquoi est-ce si compliqué de s’excuser?

Geneviève Gélinas, GRAFFICI, Gaspésie, octobre 2011

Les expropriés de Forillon sont sur le point d'obtenir les excuses des députés de l’Assemblée nationale, après avoir reçu celles des députés du fédéral. La prochaine étape : obtenir des excuses des gouvernements eux-mêmes. Et c'est là que ça se complique.

Marie Rochefort n'aurait jamais cru que les choses iraient si vite. En août 2010, la porte-parole du Regroupement de personnes expropriées de Forillon et leur descendance était à Grande-Grave pour les 40 ans du parc. Le 14 février suivant, les députés de la Chambre des Communes, à Ottawa, prononçaient leurs excuses. Ceux de l'Assemblée nationale, à Québec, s'apprêtent à formuler les leurs cet automne. « Les excuses des députés, c'est une première reconnaissance nécessaire avant d'aller plus loin, déclare Mme Rochefort. Mais jusqu'ici, c'était facile, parce que ces excuses n'étaient pas « impliquantes ».

La suite s'annonce plus corsée, puisque les excuses d'un gouvernement portent davantage à conséquence. « Quand les députés décident de faire des excuses, ils n'ont pas l'obligation d'y donner des suites, explique Lionel Bernier, l'avocat qui a défendu les expropriés dans les années 1970. Mais quand c'est fait par un gouvernement, le gestionnaire des biens publics, les excuses peuvent entraîner certaines réparations (compensations financières ou autres). »

Plusieurs expropriés tiennent à ce que des compensations suivent, selon Mme Rochefort. « On se fait dire : « des excuses, c'est pas ça qu'on veut ». Certains expropriés vont jusqu'à dire qu'ils seront contents seulement quand ils auront récupéré leurs terres. » Le comité d'expropriés a demandé des excuses au gouvernement canadien, par le biais du ministre responsable de Parcs Canada, Peter Kent. Aucune démarche n'a encore été entreprise auprès du gouvernement du Québec.

« Je doute que les gouvernements eux-mêmes fassent des excuses », croit toutefois M. Bernier. Il juge qu'il y a déjà « un contenu d'excuses » dans les gestes posés par Parcs Canada ces deux dernières années. Ottawa a accordé l'entrée gratuite au parc pour les expropriés, leurs enfants et leurs petits-enfants. Une maison du parc abrite une exposition sur l'épisode de l'expropriation. « Maintenant, des investissements massifs seraient les bienvenus pour améliorer les infrastructures du parc, pour qu'il devienne le joyau qu'il devait être », affirme M. Bernier. Quant au gouvernement provincial, il aurait déjà reconnu ses erreurs en 1975, estime l'avocat, en accordant des indemnités supplémentaires de 2 millions $ aux expropriés.

GRAFFICI a demandé au député libéral de Gaspé, Georges Mamelonet, si son gouvernement pourrait s'excuser. « Chaque chose en son temps », répond-il.

En 1970, l'État québécois a exproprié 1 700 propriétaires de maisons, de boisés, de terrains et de chalets pour permettre à Ottawa de créer un parc.

 

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