Les monts Otish dans la mire

Marie-Neige Besner, Le Mouton NOIR, Rimouski, septembre-octobre 2011

Le 9 mai dernier, le gouvernement libéral de Jean Charest a lancé le Plan Nord, un plan de développement «  économique, social et environnemental » du nord québécois, soit de neuf MRC, du territoire de la Baie-James et d’Eeyou Istchee, ainsi que du Nunavik.

 

« E’weewach » ou « là d’où originent les eaux »

 

Au cœur de la MRC de Maria-Chapdelaine, à 250 km au nord de Chibougamau, se situent les monts Otish et la dixième plus haute montagne du Québec, le mont Yapeitso, d’une hauteur de 1 128 m. Six des plus grandes rivières du Québec, les rivières Caniapiscau, Eastmain, Rupert, Témiscamie, Péribonka et Manicouagan, y prennent leur source, s’écoulant dans les trois grands bassins versants du Québec ? : l’Ungava, la baie James, la baie d’Hudson et le Saint-Laurent. Les Cris de Mistassini ont d’ailleurs nommé le territoire «  E’weewach  », ce qui signifie «  là d’où originent les eaux ».

Ce territoire est le plus visé par le Plan Nord, notamment par un projet de mine de diamants, le projet Renard de la minière Stornoway, et un projet de mine d’uranium, le projet Matoush de la minière Strateco.

 

Le parc Albanel-Témiscamie-Otish et le « développement environnemental et social » dans le Plan Nord

 

En 2006, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), appuyé par la nation crie de Mistassini ainsi que par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), a proposé la création du parc Albanel-Témiscamie-Otish. La superficie annoncée était de 11 093 km², ce qui en aurait fait le plus grand parc au Québec, englobant les lacs Mistassini, Albanel, Naococane ainsi qu’une partie des rivières Rupert et Témiscamie.

Cinq ans plus tard, le parc est toujours à l’état de projet, alors que le rapport du BAPE suggérait même d’y annexer le secteur réservé à l’État à des fins d’activités minières si aucun potentiel minier n’y était relevé avant 2009. Cela n’a bien sûr pas été le cas, puisqu’on y a relevé, outre le diamant et l’uranium, de l’or, de l’argent, du nickel, du cuivre, du molybdène, de la magnésite, de la brucite, de la kimberlite et bien d’autres ressources.

Ainsi, alors que le rapport du BAPE et la participation de la nation crie de Mistassini à un processus politique ne possèdent, à ce jour, aucune valeur réelle, on peut se demander ce qu’il en est réellement du «  développement environnemental et social  » dans le Plan Nord.

 

Une nouvelle étude environnementale pour le prolongement de la 167

 

Le 18 mai dernier paraissait l’Étude d’impact sur l’environnement et le milieu social du prolongement de la route 167 Nord vers les monts Otish.

Cette étude a été commandée par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) au MDDEP, qui l’a déléguée au ministère des Transports (MTQ), un ministère qui a été fortement critiqué pour son manque de transparence dans les derniers mois, en raison notamment du scandale dans le secteur de la construction.

L’étude a été réalisée par le Consortium Roche – SNC-Lavalin, qui a hérité de plusieurs chantiers très controversés dans les derniers mois tels que le projet de complexe hydroélectrique de la rivière Romaine, à l’est de la Côte-Nord, ou encore le projet de mégabarrage hydroélectrique Evenkiïski en Sibérie.

Le tronçon de route projeté est situé entre Chibougamau et la mine de diamants Renard. L’étude du Consortium présente tout le potentiel minier des monts Otish et l’intérêt pour les minières d’y construire une route. On y aborde le potentiel récréotouristique, forestier et éolien, mais simplement dans une perspective de mise en valeur.

 

Une étude environnementale canadienne pour le projet de mine d’uranium Matoush

 

De plus, la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a donné son aval au projet de mine d’uranium Matoush, le 2 août, suite aux rapports de l’étude d’impact environnemental (EIE) et du rapport d’études approfondies (RÉA).

Rappelons que la CCSN a récemment donné son appui à la réfection de Gentilly-2, la seule centrale nucléaire du Québec, qui sera réalisée par Énergie atomique du Canada ltée (EACL), rachetée par SNC-Lavallin au printemps dernier. Hydro-Québec proposait, par ailleurs, de fermer la centrale nucléaire quelques mois plus tôt, considérant l’opinion publique négative.

Rappelons que plusieurs organismes se sont battus l’année dernière contre l’implantation d’un projet de mine d’uranium près de Sept-Îles, sur la Côte-Nord, et que les autochtones de la nation crie de Mistassini ont voté contre le projet uranifère Matoush dans un référendum en 2010.

 

Privilèges accordés aux compagnies minières

 

Ainsi, alors que le processus d’évaluation environnementale n’est pas terminé, le gouvernement a donné le feu vert à plusieurs compagnies minières qui ont des visées sur les gisements de minerais des monts Otish. Les minières Stornoway et Strateco y ont, à ce jour, respectivement réalisé 27 et 4 forages exploratoires.

Le gouvernement ne cesse de faciliter l’accès aux ressources naturelles québécoises par le financement de l’exploration et de l’exploitation, grâce à des institutions semi-publiques comme la SGF, Investissement Québec, la SIDEX ou la SOQUEM, et par la construction d’infrastructures justifiées par la mise en place du Plan Nord.

 

Le rôle des citoyens dans le Plan Nord

 

Quant à nous, Québécois et Québécoises de toutes origines, il importe que nous nous questionnions sur la nature de ce Plan Nord et que nous sachions nous positionner quant aux différents projets qu’il comporte, en nous rappelant que nous y jouons, bon gré mal gré, un rôle économique, environnemental et social majeur.

Voulons-nous de cette ruée vers le Nord ?

 

 

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