Nathalie Brochu, L’InforMalo, Saint-Malo, août 2011
Voilà! Ma troisième participation au Relais pour la vie est déjà bien entamée. D'une année à l'autre je me demande si les émotions seront aussi fortes, aussi vives. D'une année à l'autre je redoute de ma capacité à donner de mon énergie et de mon temps. Mais, d'une année à l'autre je retrouve pourtant la volonté de faire partie de cette belle équipe. De me joindre à tout ce beau monde, pour cette cause, me remplit d'espoir. Chaque année ma participation se transforme en un pèlerinage, en un moment de réflexion et de recueillement. Je me sens honorée d'être là, d'être ici, tout simplement.
À l'approche de l'ouverture du Relais pour la vie, mon cœur frissonne. Ce moment où nous rendons hommage à tous ceux et celles qui ont perdu le combat devant ce redoutable adversaire est sans contredit, pour moi, très déchirant et pourtant, tout en même temps, très inspirant. Se libérant un à un, les ballons blancs s'entremêlent aux magnifiques voix de: Vicky Lévesque et Joannie Martineau. « Personne, il n’y a plus personne, mon âme qui s’affol, en prenant son envol…» Alors que ces « balIons du souvenir» valsent dans le bleu du ciel, c'est la présence de ceux et celles que j'aime, désormais de l'autre côté du voile, qui vient m'apaiser dans un nuage de douceur et de chaleur. Mes larmes, indisciplinées parviennent alors à franchir les barrières, pourtant solides. Je ne peux que difficilement vous décrire les émotions qui montent en moi lors de cet envolé. Mon amour infini se mélange à l'espoir des combattants à leur volonté de survivre et à l'immense respect que j'ai pour ceux et celles qui ont dû rendre les armes. malgré leur bataille acharnée entourés de l'amour de leurs proches. « …Si Dieu existe, … tu peux marcher enfin sur les étoiles … comme un ange… »
Puis, la marche commence. Le premier tour de piste est réservé aux survivants, ces nobles combattants. De les voir marcher, malgré la tempête venue soudainement bousculer leur vie, anime en moi un tumulte d’émotions. Certains avancent d’un pas léger, un grand sourire aux lèvres, faisant ainsi un pied de nez à l’adversaire. D’autres ont le pas lourd, la respiration hésitante et parfois même douloureuse et si l’on prête bien attention, on peut voir la fatigue s’accrocher à leurs baskets, traînant dans le sillon de leurs pas, comme un lourd boulet. Mais, peu importe, ils sont là, défiant la maldie, prouvant que la vie, malgré tout, est encore plus forte que tout et que leur intention n’est pas de tout de laisser tomber, loin de là!
Au crépuscule, un à un les luminaires ont pris vie, éclairant ainsi le sentier où nous marchons. Tout au long de la nuit, petit à petit, je les lirai. Je serai charmée, émue,…ébranlée. Sur l’un de ces luminaires je lirai ce message et mon cœur n’en pouvant plus éclatera : « Tu as été soustraite de mes bras pour aller vers le Divin, mais jamais tu ne disparaîtras de mon cœur.. » Voilà pourquoi je marche, pour que ceux et celles que nous aimons n'aient pas à nous quitter si précipitamment, pour que les parents puissent voir grandir leurs enfants, pour que les amoureux puissent continuer de s'aimer, pour que les grands-parents puissent continuer de bercer leurs petits-enfants, pour que les enfants puissent continuer de rire, le cœur léger. .. Voilà pourquoi je marche!
Au moment où j'écris ces mots je suis assise dans la pénombre. Ici, dans la tente de repos de mon équipe « Les petits pieds du bonheur », tout est calme. La lanterne, abritant plusieurs chandelles, posée au centre de la table, diffuse une douce lumière apaisante, tout en brûlant une bonne partie de l'humidité contenue dans l'air de cette nuit de juin. Non loin de moi, deux membres de mon équipe prennent un peu de répit. Leur souffle profond el régulier me confirme qu'ils ont su se glisser dans les bras de Morphée. À l’extérieur, le bruissement des pas se fait entendre. Des voix chuchotent, se faisant discrètes, d'autres s’esclaffent, communicant ainsi une soudaine vague de vitalité. Pourtant, mes deux comparses ne bronchent pas. Leur respiration se mélange aux éclats de rire provenant des autres tentes. L’espace d’un instant, à tour de rôle, tous et toutes se ressourcent pour mieux continuer cette marche, commencée il y a maintenant neuf heures.
Au loin, j’entends les oiseaux chanter, nichés dans les arbres dont les racines prennent vie aux abords de la rivière. Le jour sera bientôt là. Déjà, le Relais pour la vie tire à sa fin, encore une fois. Dans quelques heures, nous nous réunirons sous la grande tente, avec toutes les équipes, pour entendre le résultat de notre marche. Le comité organisateur nous annoncera cette année, 81 000 $ ont été amassés par les participants présents au parc Laurence de Coaticook. Puis tous ensemble, nous entamerons notre dernier tour de piste, sur une musique endiablé, où les rires s’entremêleront aux brumes de fatigue et de fierté. Voilà pourquoi je marche, pour qu’un jour, la lumière jaillisse…