Dire non à l’intimidation

Julie Lattès, Le Monde, Montréal, juin 2011

Le 17 mai dernier, à l’occasion de la journée nationale contre l’homophobie, le Centre Gabrielle-Roy accueillait le comédien et animateur de télévision Jasmin Roy pour une conférence sur l’intimidation et l’homophobie. Cet événement était le fruit de l’initiative d’un élève de l’école. Depuis la parution de son livre Osti de Fif, dans lequel il raconte les persécutions qu’il a subies tout au long de sa scolarité, Jasmin Roy tente de lutter contre l’intimidation et l’homophobie. Il a lancé la Fondation Jasmin Roy dans cette optique et se rend dans de nombreuses écoles pour partager son expérience.

Lors de la conférence au centre Gabrielle-Roy, il a commencé par rappeler ce qu’est l’intimidation. C’est une pratique collective qui peut se fonder sur différents critères : âge, sexe, race, orientation sexuelle. « Un groupe de gens qui t’agressent gratuitement, sans raison. »

Avant même l’intimidation, il y a les petites phrases, les insultes quotidiennes, si fréquentes qu’elles semblent anodines : fif, tapette. Un « fif » est une façon péjorative de désigner un homosexuel, mais également une manière de dire à quelqu’un qu’il est faible, lâche. « On utilise une orientation sexuelle en guise de faiblesse », souligne Jasmin Roy.

Puis cela va plus loin : railleries, bousculades, coups. Jasmin Roy a subi ça tous les jours dans l’autobus qui le conduisait à l’école et au sein même de l’école, avec parfois le consentement narquois de certains professeurs. Les conséquences psychologiques sont indéniables. « Je me suis fermé, j’ai arrêté de parler à l’école ; la nuit, je me réveillais pour aller vomir. »

Dix pour cent des enfants sont victimes d’intimidation à l’école. Un enfant sur deux dans cette situation aura des pensées suicidaires à l’âge adulte et les traces sur le cerveau sont équivalentes à celles que peut avoir un enfant battu à la maison. À cause de ces insultes récurrentes, beaucoup d’élèves n’osent pas pratiquer les activités qu’ils aimeraient par peur d’être ostracisés.

Jasmin Roy évoque le moment où ses parents sont allés voir la direction de l’école. Les agresseurs ont été punis, mais ils ont ensuite recommencé de plus belle. « Cela s’est retourné contre moi d’avoir parlé. » C’est pourquoi il insiste sur la nécessité d’un suivi sur le long terme et pas d’une simple punition ponctuelle. Sans cela, beaucoup d’enfants n’oseront jamais se plaindre.

« Ce n’est pas seulement aux gays de s’élever contre ça, c’est à l’ensemble de la société de contester ce type de pratiques », affirme Jasmin Roy. Un agresseur seul ne peut rien faire, il a besoin d’alliés et surtout de personnes qui regardent sans rien dire. « Il est temps que chacun prenne ses responsabilités, collectivement on a un travail à faire là-dessus. »

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