La musique selon Gotta Lago

Sandrine Carpentier-Lalancette, L’Itinéraire, Montréal, 1er juillet 2011

Alors que Montréal continue à s'ouvrir sur le monde, Gotta Lago, originaire de la Côte d'Ivoire, se pose cette question: «Montréal est-elle une ville interculturelle ou multiculturelle?» Ce musicien, aujourd'hui résidant de la métropole et qui participe encore cette année au Festival international Nuits d'Afrique, brise les frontières grâce à la musique et laisse place à la multiplicité des saveurs culturelles montréalaises.

«C'est la grande coopération artistique présente à Montréal qui m'a donné le goût d'y emménager » se rappelle Gotta, établi chez nous depuis la fin des années 1990. En effet, les nationalités sont variées dans cette ville : Pakistanais, Indiens, Portugais et Africains sont les plus proches collaborateurs du musicien.

Gotta ne se donne pas d'étiquette. Influencé à la fois par le jazz de Miles Davis, la musique classique et le métal de Panthera, le chanteur réussit tout de même à transmettre toute la beauté et la chaleur de sa terre natale. « Je commence même à être légèrement influencé par le style musical québécois! » C'est ça, l'interculturalisme de Gotta Lago.

«Les musiciens ont le pouvoir de mélanger toutes les cultures, ajoute-t-il en se remémorant l'un de ses spectacles donnés à Montréal. J'étais sur scène et un Québécois pure laine m'a rejoint. Il s'est mis à giguer. Je me suis adapté et j'ai ajouté un dialecte africain.»

C'est ce genre de collaboration que Gotta chérit particulièrement. En plus de se tenir bien occupé avec l'enregistrement d'une compilation musicale prévu en novembre prochain avec, entre autres, un Pakistanais et un Indien, il se produira sur scène pour une cinquième fois lors du Festival international Nuits d'Afrique. Dans le cadre de l'événement spécial «Les Étoiles de Nuits d'Afrique» du 17 au 24 juillet, il en Dammera le Ballatou-le bar africain montréalais par excellence. Chaque soir, Gotta accueillera sur scène avec lui un musicien d'une communauté montréalaise différente. «Ils interpréteront mes chansons et j'interpréterai les leurs», dit-il, ravi.

Ses influences multiples s'inspirent également de ses voyages. « Les rencontres humaines que me procure mon métier sont pour moi une grande richesse», confie-t-il. Lors de sa tournée Montréal-Soweto-Marakech, en 2010, il a découvert de multiples rythmes culturels, du nord au sud du continent africain.

À l'ère des gros bits et de l'uniformisation culturelle, Gotta tient, par ses paroles et par son rythme, à transmettre un message de paix et de tolérance. « Je fais de la musique de conscience, soutient-il. Mes chansons portent sur des thèmes sociétaux tels que l'environnement, l'éducation et le droit des femmes.» Un rien l'inspire: un coucher de soleil, un rêve, une injustice. Il puise son inspiration dans les réalités quotidiennes.

À la suite de la récente entrée au pouvoir d'Alassane Ouattara, GottaLago espère du changement pour la  Côte d'Ivoire, même s'il n'y croit pas vraiment : «La Côte d'Ivoire ne fera pas exception à toute l'hégémonie politique que subit la sous-région depuis des années, soutient-il, en parlant de la chanson Ils ont partagé le monde du musicien ivorien à l'esprit combattant Tiken Jah Fakolly. Ainsi va l'Afrique, malheureusement. Les présidents qui ont dirigé le pays avant Ado (Alsanne Outtara) n’ont pas  fait mieux non plus.»

Outre les misères et les difficultés politiques qui font rage dans son pays natal, où résident toujours ses parents, Gotta essaie le plus possible de faire des chansons à tendance positive «Ma musique ressemble un peu à la fête dans un village africain ». souligne-t-il. Gotta souhaite cependant plus de liberté d'expression pour le peuple ivorien : «Il n'y a aucun journal d’opposition seulement des kiosques chantant les louanges du nouveau président. C'est bien dommage pour l'Afrique qui, je le crains, sera toujours à la solde du colonialisme.»

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