Déménager sur deux roues

Marie-Lise Rousseau, L’Itinéraire, Montréal, le 15 juin 2011

L'entrepôt de la rue Frontenac est minuscule. De l'extérieur, rien ne laisse paraître que se trouve là le quartier général d'une entreprise de déménagement, si ce n'est de quelques vélos attachés à une remorque portant le logo Déménagement Myette. Il faut savoir que l'entreprise réalise tous ses déménagements seulement à bicyclette. Seule dans son genre en Amérique du Nord, Déménagement Myette a amorcé au printemps sa troisième année de service… comme sur des roulettes.

À l'arrivée de L'Itinéraire, l'entrepreneur Julien Myette donnait les consignes de la journée à ses quatre employés. Équipés de bâches, de cordes et de leur casque de vélo, les déménageurs de Déménagement Myette ne ressemblent en rien à l'image populaire des déménageurs. Pas de gros bras poilus ou de bedaines de bière. Certains de ces employés sont même des femmes, comme Émilie, qui fait des déménagements à vélo depuis un an.

« On n'a pas le choix d'être en forme ! », assure la jeune déménageuse. À première vue, difficile de croire qu'une fille somme toute petite puisse pédaler en tirant derrière son vélo le poids d'un réfrigérateur et d'une cuisinière. « Bien sûr, répond-elle, comme si c'était une évidence. Même que c'est beaucoup plus facile de déménager ces gros morceaux que des petites boîtes, car ils sont plus stables. »

Julien Myette mise sur le professionnalisme de son entreprise. « Pour promouvoir mes services, je vise davantage sur la qualité du service que sur l'aspect environnemental), déclare-t-il. Ça n'empêche pas le jeune homme d'éprouver beaucoup de fierté à effectuer de gros déménagements avec comme seule source d'énergie « la bouffe que [lui et ses employés] l'on mange. »

La romancière Jacynthe Laforte a fait appel aux services de Déménagement Myette à l’automne dernier sans se douter que les déménageurs arriveraient à vélo. Elle a même répété trois fois à la réceptionniste de l'entreprise les indications de stationnement devant son logement. L'auteure, qui a travaillé au Réseau québécois pour la simplicité volontaire, a été fascinée par cette expérience. « ça nous rappelle qu'on peut toujours faire autrement, qu'il suffit d'un peu de débrouillardise. »

Le temps était froid et pluvieux au début de mai, lors de la visite de L'Itinéraire. Pas facile pour les déménageurs, qui doivent pédaler sous l'eau tout en s'assurant que les biens qu'ils transportent sont à l'abri des intempéries. Julien Myette avoue avoir hâte que le soleil se pointe le bout du nez après cinq jours de pluie. Mais le plus difficile, ce sont les côtes. « C'est tout un défi quand on traîne 300 kg derrière soi, mais ça rend toishape ! », assure-t-il en riant, assis sur un petit tabouret dans son entrepôt de la rue Frontenac.

Le déménageur était loin de se douter que son idée d'attacher des remorques à des vélos deviendrait si populaire. Ayant commencé avec trois vélos et remorques à l'été 2009, Déménagement Myette en compte désormais huit. Au moment de notre rencontre, Julien Myette pensait s'en procurer quelques-uns de plus pour répondre à la demande des mois de juin et juillet.

À ses débuts, le passionné de bicyclette a dû prendre son mal en patience pour convaincre les plus sceptiques du sérieux de son entreprise. « Au début, j'offrais des tarifs imbattables, en ne mentionnant pas que j'étais à vélo. Les gens avaient toute une surprise en voyant mon vélo et ma remorque devant chez eux ! La plupart du temps, je les convainquais en cinq minutes que j'étais capable », se souvient-il fièrement. N'empêche que l'entrepreneur est heureux aujourd'hui de ne plus avoir à cacher son moyen de transport et de compter sur une bonne réputation, principalement fondée sur le bouche à oreille. L'hôpital Maisonneuve-Rosemont a même fait de Déménagement Myette son déménageur officiel.

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