Non-voyante, Diane Bourgeois redonne à la société : Un chien guide pour des ailes

Raynald Laflamme, L’Écho de Saint-François, Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud, juin 2011

Dans un monde aussi visuel où tout tourne autour de l'image, aujourd'hui virtuelle, la perte de la vue emporte aussi le moral. Et quand c'est un animal qui nous le redonne, son départ de vie utile en tant que chien guide nous replonge dans le noir.

Chien après chien ; deuil après deuil. Voyez ce que Diane Bourgeois, non-voyante de son état, a fait de son destin ; de sa maladie. Au début, une perte de la vision nocturne, suivie d’un rétrécissement du champ visuel pour évoluer vers la cécité : la rétinite pigmentaire.

Jeune fille, elle voulait devenir infirmière. La maladie en progressant a emporté son rêve. Étant battante, elle a tout de même fini par accéder à la profession de préposée aux bénéficiaires. Au fur et à mesure de la perte de son champ de vision, elle se rendait à l’évidence qu’elle ne pourrait y faire la carrière d’une vie sans mettre en danger la vie des personnes sous ses soins.

« Ce soir-là, je suis allée crier mon désespoir dans la nature. Et comme je suis une fille d’action, j’ai choisi par la suite de lâcher prise. Mais je n’ai jamais abandonné », dira celle qui, aujourd’hui, ne distingue que le jour de la nuit.

Un premier appel, un soir, chez Mira. Juste pour voir. Juste pour dire à l’interlocutrice au bout de fil : « Non ! Vous ne comprenez pas ! » « Oui Madame ! Je vous comprends. Je suis moi-même atteinte de rétinite pigementaire ». Le lendemain, elle rappelait. Débute alors sa vie à deux. Plus jamais seule pour affronter les dangers du trottoir. Elle habite la ville. Plus d’œil au beurre noir, le front fendu et les genoux en sang. Avant de regagner son autonomie, elle a dû passer un mois chez Mira. Là, on y a fait son éducation. On lui a appris le language. Enfin, tout ce qu’il faut savoir pour réussir la vie à deux, quoi !

C’était en 1995. Le premier jour. Sortie seulement pour aller soulager le chien, elle s’est payée une marche d’une heure. « Pour la première fois, je marchais en respirant et en marchant normalement ». Son premier chien ne lui redonne pas seulement son autonomie, mais aussi l’estime de soi. Et là, les événements s’enchaînent. Un appel de Mira. Des conférences à donner. Un emploi chez Kéroule, un organisme à but non lucratif pour la promotion du tourisme et de la culture à destination des personnes à capacité physique restreinte. Formation intensive en massothérapie pour personnes handicapées visuels.

« Moi qui est visuelle dans mon apprentissage. » Ce fut ardu, mais pas impossible. Les défis sont là. Elle les relève. L’arthrite aura raison de son premier chien. Elle le gardera au-delà de sa vie utile. Il lui sera toutefois interdit d’aller marcher. Chez Mira, la sécurité prime sur tout. Donc, pas question de mettre une vie en danger. En cas de grave crise, le chien ne pourrait assurer. Sa vie active aura cependant le dessus. Après 4 ans et demie, le chien ira terminer des jours paisibles chez des gens de confiance. Là même où elle avait crié son désespoir.

Puis, arrive un deuxième. « Je ne me voyais pas revenir comme avant, avec une canne blanche. » Nouveau chien, nouvelle acclimatation ; le langage en moins. Elle est plus familière. Il s’agit de devenir rapidement une équipe. Chacun à sa place. Chacun son rôle. « C’est lui qui arrête à une intersection, c’est moi qui choisis la direction. »

Elle gardera ce chien sept ans. Puis, à nouveau l’âge de la retraite. À chaque fois qu’un chien part. C’est un deuil. « Ces chiens travaillent fort. Ils nous donnent tant. Je veux qu’ils aient une douce et paisible retraite entre de bonnes mains. » L’arrivée d’Enya, le troisième, sera plus difficile. Pas en raison du chien. Cette année-là, Diane vit difficilement la maladie de sa mère. Enya le sentait. Elle était moins présente pour son chien guide.

Aujourd’hui, c’est chose du passé. Elle fait corps avec son chien. Elle en a fait la démonstration lors de la conférence qu’elle donnait à titre de porte-parole de Mira pour le public venu l’entendre dans le cadre de l’activité annuelle des Fermières de Saint-François.
 

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