Benoît Trépanier, GRAFFICI, Gaspésie, juin 2011
Dans l’anonymat d’un récent coup de sonde Segma-GRAFFICI, 44 % des répondants sont tout à fait en faveur et 20 % sont assez en faveur de la récitation d’une prière avant la tenue de l’assemblé publique du conseil municipal ou de la MRC.
Dans le café de Bonaventure où GRAFFICI l’a rencontrée, Jocelyne Poirier de Saint-Siméon, se serre les jointures. Elle est nerveuse. Sa petite croix dans le cou suit le mouvement de sa respiration un peu saccadée. « Je n’ai pas l’habitude de prendre la parole tout court », explique-t-elle alors que le journaliste lui demande pourquoi elle a suggéré à son maire, Jean-Guy Poirier, de réinstaurer la prière aux séances du conseil. En pleine tourmente sur la question de l’achat du presbytère par la municipalité, « les hommes voulaient se battre et les gens s’injuriaient. Le maire a accepté ma proposition et, dans les assemblées suivantes, ce moment de prière a aidé à calmer les esprits », croit cette femme de 46 ans, qui fréquente son église depuis plusieurs années.
Le curé de Sainte-Thérèse de Gaspé, Tony DeBlois, n’est pas surpris des résultats du sondage, lui qui avait dénoncé à l’automne 2010 la décision de la préfète de Rocher-Percé, Diane Lebouthillier, d’abolir la prière au début des séances de la MRC pour la remplacer par un 10 secondes de silences. « De nombreux paroissiens s’étaient plaints et on m’en parle encore », dit-il. Selon lui, ceux qui défendent cette position ne se lancent pas sur la place publique pour tenir le flambeau. Une sorte de majorité silencieuse. Selon notre sondage, ils sont surtout âgés de 65 ans et plus, faiblement scolarisés, à faibles revenus et votent libéral au fédéral. Chez les jeunes, il y a quand même un appui important avec 30 % des 18-34 ans et 36 % des 35-44 ans qui sont tout à fait en faveur. Et plus les répondants sont riches, plus ils s’opposent : 47 % des ménages gagnant 80 000 $ et plus sont contre, 72 % des moins de 19 000 $ se disent en faveur. Ces derniers sont particulièrement nombreux dans la MRC Rocher-Percé.
Mais rien pour faire changer d’avis Mme Lebouthillier. « Il n’y en aura pas, de prière à la MRC. L’État et l’Église doivent demeurer séparés. La plupart de mes concitoyens m’ont dit que j’ai pris la bonne décision. »
La prière du maire de Saint-Siméon ? « Ça dure sept secondes, je dis : Seigneurs, veuillez nous éclairer dans les décisions que nous allons prendre pour le bien de notre communauté », explique Jean-Guy Poirier, qui a bien senti, avant la parution du sondage, qu’une bonne partie de ses contribuables appuyait Jocelyne Poirier. Et pourquoi une mention à un Dieu en particulier plutôt qu’un simple temps de silence ? « Parce que c’est trop vague » répond Jocelyne Poirier qui croit que l’humilité chrétienne veut qu’on s’en remette à Dieu pour éclairer nos décisions.
En Gaspésie, on récite la prière dans 16 des 42 municipalités de la péninsule, selon précédente enquête de GRAFFICI.