Joëlle Girard et Carl Bergeron, Échos Montréal, mai 2011
Depuis 2007, l'administration Tremblay et l'arrondissement de Ville-Marie ont entrepris de réduire le nombre de permis octroyés aux cochers qui sillonnent le Vieux-Montréal, en partie parce que des résidents du quartier et des automobilistes en transit se sont plaints. Les uns dénonçaient l'insalubrité liée aux piètres conditions de certaines calèches, les autres invoquaient la conduite vacillante de certains cochers, ou leur tenue vestimentaire inadéquate.
Dans un souci de mise en ordre, la Ville avait donc mis en branle une série de règles visant à resserrer les conditions de travail des cochers, en plus de racheter certains permis. « En 2003, la Ville comptait 25 cochers pour un total de 50 calèches. Cette année, pour la période allant du 1er avril 2011 au 30 mars 2012, 14 cochers ont obtenu leur permis pour un total de 24 calèches. Le but de la Ville étant de réduire le nombre de calèches à 20, on ne peut toutefois pas donner d'échéancier », souligne Anne-Sophie Harrois, de l'arrondissement de Ville-Marie.
Selon Josée Lapointe, présidente de l'Association pour la protection du patrimoine équin en milieu urbain, la politique de la Ville n'a pas réussi à rehausser significativement la qualité du service. « Les caléchiers sont divisés en deux groupes. Certains prennent leur métier au sérieux, mais d'autres non, et ça pose problème pour l'image de la ville. »
Mme Lapointe pointe le manque d'encadrement par la Ville, qu'elle accuse de prendre trop à la légère l'industrie. Elle déplore également les conditions de travail des chevaux. « Les fonctionnaires qu'ils assignent à la surveillance des calèches ne sont pas des spécialistes », affirme-t-elle. Mme Lapointe n'a pas tort. Après vérification auprès de l'administration municipale, il s'avère, en effet, que les fonctionnaires responsables sont en réalité des inspecteurs en travaux publics.
Jacques-Alain Lavallée, de l'arrondissement de Ville-Marie, soutient que l'un de ces inspecteurs, qui travaillait jadis dans la patrouille canine, recevra une formation spéciale au courant de l'année et sera affecté aux caléchiers. « Les choses sont en train de changer », assure-t-il. « En outre, on a établi un seuil de température que tous les caléchiers doivent respecter. En haut de 30 degrés celcius, ils n'ont pas le droit de travailler. »
Rappelons que l'été dernier, à Québec, trois accidents liés à l'épuisement des animaux et à la chaleur ont eu lieu, dont un qui avait forcé l'euthanasie du cheval en pleine rue. Un peu partout en Occident, dans les grandes villes où l'on offre ce genre d'excursion, des mouvements de contestation commencent à naître à la lumière d'une prise de conscience sur le traitement réservé aux animaux.
Toujours pertinents ?
La controverse qui entoure l'industrie pose inévitablement la question de sa pertinence dans un quartier qui, de plus en plus, se transforme en lieu d'affaires. Les caléchiers sont-ils toujours pertinents ?
« En période de beau temps, c'est jusqu'à 40 000 personnes par jour qui viennent se promener dans le Vieux-Montréal. C'est donc un quartier d'affaires, en effet, mais on ne peut nier le fait que c'est avant tout un milieu touristique et que les caléchiers s'accordent avec cette réalité, même si elle parait parfois un peu plastique », soutient Mario Lafrance de la Société de développement commercial du Vieux-Montréal.
Enfin, selon Pierre Bellerose de Tourisme Montréal, les caléchiers ont toujours leur place dans le Vieux-Montréal, même si historiquement, celle-ci est plus ténue qu'autrefois. « La réduction des permis est une bonne mesure dans le sens où les caléchiers répondent à un besoin réel et peuvent finalement mieux vivre de leur travail », dit-il, évoquant toutefois que ce créneau rejoint majoritairement les touristes anglo-américains qui sont davantage intrigués par l'aspect historique du quartier comparativement aux touristes européens.
Ce créneau relativement controversé correspond donc à une demande touristique bien réelle, mais issue d'une clientèle assez ciblée.