Le bénévolat… ça paie même pas !

Sylvain Ladouceur, L’Écho de Cantley, Cantley, mai 2011

Alors que je discutais avec un groupe et que nous listions les différentes options d'emploi du temps pour un ami qui prendra bientôt sa retraite, une des personnes du groupe, une jeune fille de 21 ans, a lancé, en riant : « Ben pourquoi il ferait du bénévolat, ça paie même pas ! »

Tout d'un coup, j'ai senti comme une pointe au cœur, un tremblement soudain, une chaleur me monter à la tête, une rage me déchirer les entrailles… Ok, j'exagère, mais je me suis senti comme si elle remettait en question la validité d'une bonne part de mon cheminement professionnel, de mes engagements communautaires et, surtout, le travail de tous les bénévoles que j'ai eu le grand plaisir de côtoyer et desquels j'ai énormément appris. C'est comme si elle remettait en question toute une profession, un mouvement, un secteur économique.

Je n'ai même pas été capable de lui répondre tellement je suis resté surpris, devant son commentaire, mais surtout devant l'ironie, l'ignorance (en lien avec son manque de connaissance réelle du bénévolat) et l'arrogance qu'elle avait dans la voix.

Je sais que c'est surtout par déformation professionnelle que j'ai réagi (intérieurement) ainsi et je ne la juge pas pour autant, mais j'ai toujours de la difficulté à comprendre comment des gens peuvent ne pas voir la grande valeur du travail bénévole, tant pour les organismes appuyés, mais aussi pour les individus qui s'engagent.

Comme vous pouvez le constater, sur les huit principales raisons qui motivent les bénévoles à s'engager, sept sont relatives à l'individu et non à l'organisme ou à la cause. Bien sûr, 93 % des gens s'engagent avant tout pour contribuer à la collectivité, mais ils s'engagent aussi et surtout pour eux. Pour ma part, la source de mon cheminement professionnel est le bénévolat. Si ça n'avait pas été du bénévolat, je ne vous écrirais peut-être pas aujourd'hui. Qui sait ?

En effet, en 1998, j'étais bénévole pour mon comité de quartier et j'avais organisé le premier Festival « Les fêtes du Manoir » avec deux soirées musicales, une pour ados et l'autre pour adultes. Dans le cadre de la soirée pour adultes, j'avais engagé un artiste qui était géré par une maison de productions de la région. Sa gérante avait tellement apprécié l'organisation du « show » qu'elle a demandé à me rencontrer. Lors de cette rencontre, elle m'a offert de travailler avec elle à l'organisation de la Foire des arts de la scène pour les Journées de la culture… bénévolement.

Dans le cadre de cette activité bénévole, j'ai eu la chance de faire mes preuves. J'ai même couché dans mon auto toute une nuit pour assurer la sécurité de la scène extérieure. Ça… c'est du bénévolat. À la fin de la semaine, la dame m'a remis un chèque de 50 $ en guise de reconnaissance… et elle m'a offert une « job ». J'ai donc travaillé au sein de La Maison de production Encart ltée pendant deux ans et j'ai énormément appris. J'ai surtout développé une excellente base de réseau d'affaires.

Un de nos collaborateurs du moment était consultant en développement organisationnel et aussi directeur d'un organisme communautaire de la région. Quand mon contrat s'est terminé à la Maison de production, il m'a offert un poste d'agent de développement au sein de l’organisme Grands Frères et Grandes Soeurs de l'Outaouais. Denis m'a offert sa confiance et c'est là que j'ai réellement pris conscience de mon potentiel (sans prétention) et que j'ai pris goût au communautaire. J'aimais surtout l'aspect « multitâches » du secteur. Je faisais de tout, de la gestion de programme, de la collecte de fonds, de la gestion financière, de la représentation, de l'organisation d'événement, de la gestion de réseau informatique, du graphisme, de la gestion de bénévoles… et je vidais les poubelles. De tout, mais j'ai vraiment appris et surtout grandement apprécié cette expérience. Je travaillais aussi avec Denis à ses contrats de consultation, à l'extérieur des heures normales de bureau.

À un certain moment, un poste s'est ouvert chez Centraide Outaouais et Denis m'a dit : « Pose ta candidature… tu es prêt ! », ce que j'ai fait… et j'ai eu le poste sur la base de mon expérience professionnelle et de mes expériences bénévoles.

Après 10 ans chez Centraide Outaouais, qui a réellement été mon école philanthropique, me voici à la direction générale de la Fondation de l'UQO, chargé de cours à la Cité, conférencier, blogueur et auteur en devenir… et tout ça, en lien avec un engagement bénévole dans un simple comité de quartier.

D'ailleurs, sans entrer dans tous les détails, j'ai aussi commencé à enseigner à la Cité collégiale, en 2002, comme retombée d'un contrat de bénévolat et j'y suis toujours, dans trois programmes différents.

De plus, j'ai œuvré pendant près de 15 ans à titre d'entraîneur élite au Hockey mineur de Hull et à Hockey-Outaouais, comme directeur artistique et juge à Secondaire en spectacles et Le bénévolat a donc été pour moi une ouverture sur le monde, il m'a permis de prendre confiance en moi, de développer des habiletés, de me découvrir, de me créer un réseau, d'apprendre à faire et à être,

Le bénévolat m'a donné mon envol et m'a permis de mieux apprécier plusieurs facettes de la vie, entre autres, dans le milieu communautaire. Il m'a permis de découvrir ma voie… et ma voix.

J'en fais encore parfois, quand le temps me le permet, mais une fois que nous avons touché au bénévolat, ça fait partie de notre être. J'ai contribué à la création et je coordonne bénévolement le Regroupement des organismes philanthropiques de l'Outaouais (ROPO), j'appuie des étudiants dans différents projets, je suis président du Comité consultatif du programme de Travail social de la Cité collégiale et membre du Groupe de recherche sur les médias de masse de l'UQO et je fais souvent des activités bénévoles ponctuelles pour des organismes, des amis et des connaissances. Ça fait maintenant partie de moi… c'est une habitude… une façon de vivre.

Vous comprendrez donc que j'aie eu un peu de difficulté à accepter le commentaire de notre jeune amie qui disait, notamment, que le bénévolat ne servait à rien. Peut-être aurait-elle avantage à en faire et peut-être se découvrirait-elle une passion pour le bénévolat ou pour un domaine quelconque.

Le bénévolat fait grandir, se découvrir, se réaliser, se valoriser. Donc en bout de ligne. « Le bénévolat… ça paie !!! »

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