Gisèle Bart, Le Journal des citoyens, Prévost, 21 avril 2011
Le samedi 12 mars, en la salle de concert Église-Saint-François-Xavier de Prévost, Diffusions Amal’Gamme présentait le guitariste Patrick Kearny dans un concert intitulé « Impressions de guitare ».
Si l’impressionnisme consiste à « noter les impressions plus que l’aspect concret des choses », je serai impressionniste dans ces lignes. Dès la première pièce écrite pour une Tabeas qui, enfant, s’émerveillait devant l’infiniment petit et qui, devenue femme, fit de la photo son nouveau « fancy », c’est vers l’exploration de paysages intérieurs que Patrick Kearny nous a progressivement entraînés. Cette première pièce, une succession de courses folles, de sons glissants et de marches à pas lents fut agrémentée des magnifiques photos prises par cette Tabeas. Après quoi, une oeuvre résolument moderne de Manuel M. Ponce (1882-1948) nous fut jouée. Contrairement à certains interprètes, M. Kearny sera fidèle au manuscrit. Comme souvent dans cette époque, ce fut une suite de beaux sons plutôt que de lignes mélodieuses. Cependant, la très belle interprétation du guitariste nous a facilité ce passage initiatique. Ce fut un moment où les similitudes entre la harpe et la guitare nous sont tangiblement apparues.
La pièce suivante de Kearny lui-même, s’intitulait « Sagittarius A », faisant allusion à la découverte d’un point dans notre galaxie, vers 1920. De ses doigts sur les cordes, M. Kearny a su nous décrire les billions de galaxies qui naissent et meurent, d’abord dans le chaos, puis dans l’harmonie. Retour à Manuel M. Ponce, période parisienne, Sonata III, l’une des premières oeuvres impressionnistes écrites pour guitare. Parfois, M. Kearny y cueillera une note sur le manche de sa guitare avec le raffinement et la délicatesse du toucher dans le geste qui ressemble à celui de saisir un insecte que l’on veut épargner.
À l’Allegro non troppo, nous étions conviés à l’une de ces fêtes dans un Caf’Conc’parisien des années ‘20 où les artistes de tout acabit se réunissaient pour fraterniser, également, hélas, pour fréquenter « la fée verte » absinthe et celle enfumée de l’opium. L’oeuvre se terminera par la déambulation titubante de fêtards dans les brouillards des quais de la Seine.
Enfin, ce furent deux morceaux de bravoure, Train to Koyunbaba du protagoniste et Koyunbaba de Carlo Domeniconi, prouesses musicales de virtuose qui exigent même une modification d’accord de la guitare. Toujours sur celle-ci, des notes orientales se sont mêlées aux sons proférés par un train en marche, dont la belle image était projetée sur l’écran. Suivra la pénétration dans l’univers de Domeniconi. Au dire de M. Kearny, il y eut dans la vie du compositeur l’avant Koyunbaba (néo-classicisme) et l’après ce voyage qui se situe en 1985. Cette fois, c’est d’envoûtement qu’il s’agissait, par une musique parfois intériorisée, parfois frénétique. Puis ce fut la fin toute en douceur, un nomade qui se raconte, assis sur la margelle d’un puits.