Radio-Canada doit revoir ses priorités

Gilles Gagné
Graffici, Gaspésie, avril 2011

Gilles Gagné, Graffici, Gaspésie, avril 2011 – La Société Radio-Canada démontre un sens douteux des priorités en Gaspésie. En y comprimant sa programmation et en reportant constamment l'ajout d'équipements plus efficaces, tout en investissant 10 millions de dollars à Rimouski, le diffuseur public agit comme s'il s'apprêtait à diminuer de nouveau ses services aux Gaspésiens.

Le recul de Radio-Canada dans la péninsule remonte au moins à avril 1986, lors d'une, compression de 500 000 $, une forte somme à l'époque. Elle a obligé la direction locale à mettre fin à une émission quotidienne d’affaires publique Contact qui battait des records d'écoute.

Puis, il y a eu la fermeture sauvage de la station de télévision CBGAT de Matane. Sept-Îles et Rimouski étaient aussi passées au couperet. Cette décision était entrée en vigueur quelques minutes après l’annonce.

Depuis, les coupes de services ont été bien plus fréquentes que les gains pour les auditeurs. L’émission régionale radio, du dimanche matin a été abolie. L'émission du samedi est maintenant commune à la Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, à la Côte-Nord et au Bas-Saint-Laurent. L'été, entre 15 heures et 17 heures, Radio-Canada produit aussi une émission « à trois têtes ».

Dans les MRC du Rocher-Percé, de Bonaventure et d'Avignon, les auditeurs doivent encore syntoniser la fréquence 540 AM pour capter la Première Chaîne. La qualité sonore est douteuse au mieux. Dès la brunante, les radios, américaines interfèrent. Le moindre problème avec le réémetteur balayant la côte de ses ondes renvoie les auditeurs à l'écoute de Radio-Canada Montréal, outrepassant la programmation régionale.

Faut-il, rappeler à Radio-Canada que les 55 000 citoyens de ces trois MRC paient aussi des taxes à Ottawa ?

Plusieurs auditeurs et la Conférence régionale des élus (CRÉ) ont communiqué avec la direction de Radio-Canada au fil des ans, pour réclamer le remplacement du réémetteur AM par un équipement FM. Des extraits d’une réponse faite à la CRÉ le 28 janvier 2009 par Louis Lalande, directeur général des services régionaux de la société publique, laissent pantois.

Aux auditeurs de la MRC d'Avignon, ceux écopant le plus de la fréquence 540 AM, il notait que « Radio-Canada a choisi le signal de Moncton pour un émetteur situé à Pointe-à-la-Garde et qui diffuse sur la bande FM les émissions de la Première Chaîne Au 91,5 FM, vous captez 80 % des émissions réseau de la Première Chaîne. Pour avoir des nouvelles de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, je vous recommande les pages Internet. Vous y trouvez des nouvelles écrites, des extraits vidéo… ». M. Lalande se disait au moins conscient de ne pas satisfaire tout le monde.

Ce qui est choquant, c'est que Radio-Canada s'en tienne à ce scénario depuis 1984. Ce qui est inacceptable, c'est qu'elle investisse 10 millions de dollars dans 'un centre de production à Rimouski avant de corriger des lacunes majeures.

Les stations privées et communautaires de la Gaspésie, disposant de moyens financiers infiniment inférieurs à Radio-Canada font plus pour satisfaire leur auditoire. CHNC a investi 271 000 $ en deux ans pour passer en mode FM entre Gaspé et les Plateaux de Matapédia.

Comment Radio-Canada peut-elle justifier d’investir 10 millions de dollars dans un édifice en location, dans ce contexte ? Elle y ramènera le téléjournal de l’Est-du-Québec certes, à la suite d’un arbitrage discutable, mais elle y concentre aussi son site Internet, faisant déjà l’objet de nombreuses critiques parce qu’il banalise les spécificités régionales.

Les Gaspésiens et les Nord-Côtiers craignent une centralisation pure et simple de toute la production radio et télé à Rimouski. Il resterait quelques bureaux ailleurs et des journalistes. Quelqu'un pourrait-il expliquera à Radio-Canada que la proximité est le meilleur moyen d'augmenter son auditoire ?

Comment expliquer qu’aux Îles-de-la-Madeleine, la couverture journalistique ait été coupée à deux reportages par semaine, plutôt que de répondre aux besoins de l'actualité ?

Il n’est aussi inquiétant de voir que le bulletin télé de Rimouski pourrait échapper à une bonne portion de l'auditoire, les gens non câblés. Quand Radio-Canada passera en diffusion haute définition, et une fois qu'elle aura reçu la permission d'abandonner ses émetteurs analogiques, les auditeurs situés au-delà de 80 kilomètres de l'émetteur de Bic seront privés de signal.

La direction de Radio-Canada a fait peu de cas des doléances et des manifestations publiques. Les interventions politiques ont souvent été les seules façons d'infléchir ses décisions. Depuis 35 ans, ces interventions ont favorisé Rimouski. La campagne électorale fédérale actuelle donnera, peut-être l'occasion aux Gaspésiens de rééquilibrer la situation.

Il faudra que les électeurs posent des questions et que les politiciens s'y attardent. Une société bien informée et bien divertie doit compter un équilibre entre diffuseurs, privés et publics. Actuellement, Radio-Canada menace cet équilibre.

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