Édith Vallières, L’Itinéraire, Montréal
Mélissa a 12 ans. Sa mère, prostituée, vient d'en perdre la garde. Seule et craignant la DPJ, elle doit « kicker la petite fille en elle » et s'occuper de ses frères. Des jeunes comme Mélissa, la cinéaste du film Le Ring, Anaïs Barbeau Lavalette, en a rencontré plusieurs lorsqu'elle était bénévole à la clinique de pédiatrie sociale du Dr Julien. Ses rencontres avec ces « battants de la vie » ont inspiré son premier roman, intitulé Je voudrais qu'on m'efface, qui est en lice pour le Prix des libraires du Québec, dans la catégorie Roman québécois.
Les personnages de son livre, Mélissa, Roxanne et Kevin, grandissent dans Hochelaga-Maisonneuve, ce quartier populaire de l'est de la ville. Ils côtoient à un âge précoce le monde des putes, des ivrognes et des lutteurs gonflés à la testostérone. « Leur vie n'est pas rose, admet l'auteure. Mais à quoi bon farder la réalité avec des petites fleurs ? » Ces trois protagonistes reflètent à eux seuls « des réalités qui sévissent près de nous, qui nous concernent ».
Anaïs ne fait pas dans la dentelle. Dans son ouvrage, les expressions sont parfois crues et les phrases écourtées, comme si les personnages catapultaient leurs mots. Cette approche artistique recoupe le langage cinématographique du mm Le Ring (2007), qui suit le dur quotidien de Jessy, un amateur de lutte de 10 ans.
Mais cette fois, Anaïs utilise les mots pour pousser la réflexion. « Je voulais plonger dans la sensibilité et l'intimité de mes personnages, sans la lourdeur du cinéma. »
Un pari réussi, car « les lecteurs ont tantôt versé des larmes, tantôt ri de bon cœur », affirme l'auteure. D'autres ont fermé le livre avec l'envie de s'engager dans leur communauté. « J'ai réussi à mettre Hochelaga-Maisonneuve sur la map émotive de mon lectorat », dit Anaïs. C'est d'ailleurs cette sensibilité dans l'écriture qui a, selon elle, charmé le comité de sélection du Prix des libraires du Québec.