Camille Laurin-Desjardins, L’Itinéraire, Montréal
Anabel Martin-Kaigle n'est pas rémunérée pour trois de ses cinq emplois. Rassurez-vous, elle n'est pas exploitée, elle est… bénévole. Après avoir terminé son parcours dans les scouts, à 16 ans, elle s'est tournée naturellement vers le bénévolat pour le scoutisme. Son engagement a valu à la jeune femme de 23 ans le prix Hommage bénévolat-Québec l'an dernier, un prix qui sera remis à nouveau le 13 avril prochain à une quarantaine de personnes par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Mais qu'est-ce qui pousse des millions de gens comme Anabel à donner de leur temps à la communauté ?
Selon une enquête de Statistique Canada réalisée en 2007, 48 % des Québécois de 15 à 24 ans s'adonnent à des activités bénévoles. Au Canada, le nombre de bénévoles se serait accru de 5,7 % par rapport à 2004, en grande partie grâce aux jeunes de ce groupe d'âge.
Andrée Fortin, professeure de sociologie à l'Université Laval et auteure de plusieurs ouvrages sur le bénévolat, explique en partie cet essor par la valorisation sociale accordée aujourd'hui au bénévolat. « Par contre, ajoute-t-elle, j'aimerais apposer un petit bémol sur les chiffres qui disent que le bénévolat augmente. Auparavant, il y avait beaucoup de choses qui n'étaient pas nécessairement considérées comme du bénévolat, mais qui le sont maintenant. »
Cool, le bénévolat ?
Le directeur général de la Fédération des centres d'action bénévole du Québec (FCABQ), Pierre Riley, est quant à lui enthousiaste face à ce rajeunissement des âmes charitables. Selon lui, les jeunes s'engagent d'abord parce qu'ils ont eu des modèles. « Mes parents ont toujours fait du bénévolat, se rappelle M. Riley. Faire de même allait de soi pour moi. » Pierre Riley estime également que le bénévolat peut être attrayant pour les jeunes, car il leur permet d'acquérir une expérience qui les aidera à entrer sur le marché du travail.
« Pour moi, c'est une façon de faire plus de choses qu'à l'école ou au travail, explique Anabel, à la fois animatrice d'un groupe de scouts et membre du conseil d'administration de l'organisme. Ça me permet de redonner aux scouts ce que mes animateurs m'ont donné quand j'étais jeune. » L'étudiante en communications y voit aussi une occasion d'acquérir beaucoup d'expérience dans son domaine d'études. La jeune femme est convaincue que son bénévolat auprès des scouts lui a permis de trouver l'énergie nécessaire pour terminer son premier baccalauréat, en biologie. « Je n'aurais jamais terminé mon bac sans le scoutisme. C'était tellement de travail ! J'avais besoin de quelque chose d'autre de motivant. »
Empêcher l’Iceberg de dériver
Selon Andrée Fortin, sans le bénévolat, un tas d'institutions ne fonctionneraient pas. À commencer par les écoles et les hôpitaux. « Le bénévolat, c'est un continent incroyablement omniprésent. C'est la face cachée de l'iceberg… On ne le voit pas, mais il fait fonctionner toute la société ! »
Pierre Riley craint que la déficience de la formation offerte aux bénévoles menace de faire fondre l'iceberg, car cette formation n'est pas assez personnalisée en fonction de chaque organisme. « Il faut être à l'écoute de nos bénévoles. Ce sont eux qui doivent être la priorité plutôt que la clientèle qu'on aide. »
Malgré tout, Pierre Riley et Anabel Martin-Kaigle considèrent que le bénévolat est en bonne santé en 2011 au Québec. « Il y a toujours des gens prêts à s'engager autour de moi, affirme Anabel. En ce moment, il y a aussi un vent de renouveau et ça fait du bien. On utilise des ressources comme Internet, et ça nous apporte une visibilité nouvelle. »