Gaz de schiste : Une demi-victoire

Sébastien Lacroix, L’annonceur, Pierreville

Le rapport du Bureau d’audience publique en environnement (BAPE) sur les gaz de schiste est en quelque sorte une demi-victoire pour ceux et celles qui réclamaient haut et fort un temps d’arrêt sur l’exploration et l’exploitation de cette ressource naturelle.

L’imposition d’une période de deux ans d’attente avant que l’industrie puisse procéder, de façon à acquérir des connaissances sur la fracturation hydraulique, se rapproche du moratoire que souhaitaient les opposants. Ce n’est toutefois pas une victoire sans équivoque, puisque des forages continueront d’avoir lieu de façon à acquérir ces fameuses connaissances sur la fracturation du sous-sol de la Vallée du Saint-Laurent. Même si ce n’est qu’à titre expérimental, qui dit forages dit aussi risques de contamination de la nappe phréatique et toutes les conséquences que ça comporte : baisse de la qualité des récoltes, raréfaction de l’eau souterraine non seulement pour boire, mais aussi pour la cuisine ou l’hygiène.

Au moins, ces forages seront faits sous haute surveillance. Il sera donc possible de les contrôler plutôt que de laisser aller une industrie qui n’a visiblement pas convaincu le BAPE et qui a connu des ratés à certains endroits où il y a eu exploitation de la ressource. Le rapport du BAPE est également une demi-victoire pour le monde municipal puisqu’il a recommandé que celui-ci soit consulté dans le processus menant à l’exploitation des gaz de schale.

Encore là, ce n’est pas une victoire sur toute la ligne, puisque le BAPE n’a pas recommandé que des redevances soient versées aux municipalités ou aux MRC qui seront appelées à accueillir l’industrie. Ça aurait été pourtant normal avec la circulation lourde supplémentaire qu’engendrera l’industrie par le passage de camions citernes et de remorques, l’utilisation des infrastructures ou en dénaturant son paysage.

L’industrie de production d’énergie éolienne l’a compris et verse de généreuses contributions aux municipalités et aux propriétaires concernés. Par exemple, le promoteur de « Les Éoliennes de L’Érable », un projet récemment annoncé, versera même des redevances, par l’intermédiaire d’un fonds d’acceptabilité sociale, aux propriétaires qui n’accueillent pas ses infrastructures, mais dont la résidence se situe à l’intérieur du parc de 50 éoliennes.

C’est aussi une demi-victoire pour l’industrie, puisque, s’il n’a pas autorisé pour le moment l’exploitation des gaz de schiste, le BAPE n’a pas fermé la porte pour autant. Il lui offre même son soutien pour qu’elle fasse ses devoirs et prouve que sa technologie est sans risque. Même le BAPE sort gagnant de cette période de réflexion qu’elle impose à l’industrie et au ministère des Ressources naturelles qui semblait vouloir précipiter le Québec dans cette avenue pour profiter des alléchantes redevances qu’elle promettait. Pour une fois, le BAPE prend une décision qui est populaire et se refait en quelque sorte une crédibilité. Un peu comme la Régie de l’énergie qui approuve presque systématiquement toutes les décisions d’Hydro-Québec, plusieurs Québécois n’avaient plus tellement confiance en cette instance.

Il faut dire que c’est ce même BAPE qui a autorisé des projets impopulaires comme la centrale de cogénération de Bécancour, les projets hydroélectriques sur la rivière La Romaine et le prolongement de l’autoroute 30 en Montérégie.

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