Josée Louise Tremblay, L’Itinéraire, Montréal
Le chansonnier Sylvain Lippé est un émule du grand poète et parolier Gilbert Langevin et d'un autre non moins grand artiste, Gerry Boulet. Le hasard de la vie fait souvent bien les choses et au bon moment. En 1988, Sylvain s'est retrouvé assis à la même table que les deux géants. Le timide chansonnier s'est alors dit que son rêve de porter ses mots aux autres serait accessible. Cependant, son insécurité financière l'a poussé à contourner la production de son premier album pour pratiquer le métier d'avocat. Le poète livre enfin son premier opus : L'Ondée.
À l'écoute du premier extrait, Souvenirs, je sens que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts avant que ce disque n'arrive à mes oreilles. Les pièces se succèdent et un sentiment étrange s'intensifie jusqu'à La Chanson, où j'ai la certitude qu'un miracle se produit. Le poète a touché ma corde sensible. Ses chansons sont accrocheuses. Sa voix est juste et mélodieuse. Sa poésie est prenante, parfois drôle, mais toujours sensible. À l'approche de ma rencontre avec le chansonnier, les questions me brûlent les lèvres. Sylvain Lippé a pris dix ans avant de produire son album ! Pourquoi tant de temps ? Que s'est-il passé ?
À la fin des années 1980, Sylvain Lippé fréquentait La place aux poètes. Ces soirées de poésie, organisées dans les bars de la métropole, étaient tenues par la défunte Janou Saint-Denis. Sans l’acharnement et la passion des mots de cette poétesse, peut-être n'aurions-nous pas aujourd'hui accès aux jeunes poètes fréquentant alors ces évènements très colorés. C'est à cette époque que Sylvain Lippé a pris le taureau par les cornes et s'est attelé à la tâche. Il a d'abord pris quelques cours d'écriture de chansons avec Robert Léger, du groupe Beau Dommage.
Par la suite, Sylvain Lippé a animé des émissions sur la chanson aux stations Radio Centre-Ville, CIBL et CISM de 1988 à 1991. Durant cette période, il a réalisé des entrevues avec de grands noms de la musique, dont Jean Leloup ; Gilbert Langevin, Louise Forestier et Dan Bigras. Mais Sylvain est timide et fait tout pour éviter de chanter ses propres chansons. En 1992, il quitte la radio communautaire et reprend des cours de chant. La même année, il se présente aux auditions du Festival international de la chanson de Granby. Quelques mois plus tard, il reçoit une bourse de la Fondation Abbé-Charles-Émile-Gadbois, ce qui l'a encouragé à persévérer.
Mais l'artiste n'ose toujours pas. Sylvain est d'une nature qui a besoin de sécurité. « J'ai des amis qui arrivent à vivre sans trop d'argent, sans trop se préoccuper. Pas moi, je n'y parviens pas », confie-t-il. Pour pallier cette insécurité, Sylvain entreprend des études de droit et se dit qu'éventuellement, il fera son album. Finalement, à 43 ans, le poète-avocat tient parole envers ses supporteurs qui l'ont attendu toutes ces années et propose L'Ondée, un superbe opus taillé finement dans la profondeur de l'âme.
Pendant que Sylvain continue de pratiquer son métier d'avocat, ses chansons parcourent le Canada d'un océan à l'autre, jouant dans les stations de radio au Manitoba et au Nouveau-Brunswick.