Chantale Potvin, Innuvelle, Sept-Îles
Des images et des chiffres, percutants, des témoignages documentés, des entrevues avec des experts, Chercher le courant est intéressant, bien livré et, somme toute, assez épouvantable. Le documentaire, qui encense les types d’énergies vertes, permet de prendre position face au projet de La Romaine.
Malgré sa sortie toute récente le film a déjà gagné des prix et les spectateurs, après le visionnement, se levant d’emblée pour l’applaudir.
« Nous avons voulu document l’écosystème unique de la magnifique rivière Romaine qui va disparaître à tout jamais. Nous voulions aussi offrir des outils de réflexion face à ce projet et expliquer qu’il sera même un gouffre financier », a déclaré le célèbre narrateur, Roy Dupuis.
Pendant trois ans, et avec un maigre budget de 20 000 $, les jeunes réalisateurs Nicolas Boisclair et Alexis Gheldere, l’artiste Roy Dupuis, avec une équipe de spécialistes et d’amoureux de l’environnement, ont navigué sur les 500 km de la majestueuse et imposante Romaine. « Ça m’enrage de voir qu’une si belle rivière disparaît », a larmoyé un canoteur, la voix étranglée par l’émotion. Ce fut d’ailleurs un moment touchant du documentaire.
Plusieurs entrevues pertinentes avec des experts du domaine environnemental sont filmées. Les sources sont plus que fiables. Les discussions font entendre des biologistes, des ingénieurs, des architectes, des propriétaires et des consultants d’entreprises d’énergie verte, des conférenciers et des militantes environnementaux, etc. Tous leurs propos vont le même sens. Selon eux, le projet de La Romaine est inutile. D’autres énergies pourraient se développer à coûts moindres, avec des répercussions moins grandes sur l’environnement.
Des questions fusent sur la pertinence de la réalisation de ce projet. Ainsi une percutante interrogation de Jacques Parizeau est remise sur le tapis. « Concernant l’électricité, qu’est-ce qui coûte moins cher ? L’économie d’un kilowatt heure ou la production d’un kilowatt heure ? » a jadis soulevé l’ancien premier ministre. La réponse est oui à l’économie tout au long de Chercher le courant. Le film en donne des exemples à la pelle.
Ainsi, on apprend que des bâtiments écoénergétiques ne coûtent que 400 $ par année à chauffer. La géothermie, la biomasse, les éoliennes, l’énergie solaire, sont parmi les dizaines d’exemples documentés pour économiser l’électricité, grâce à d’autres types d’énergie.
Le documentaire est rempli de comparaisons étonnantes. « Au Québec, 90 % des chauffe-eau sont électriques. Si on utilisait le budget de La Romaine pour remplacer tous les chauffe-eau, on pourrait libérer plus d’électricité à un moindre coût. Il y aurait 11 milliards de kilowatts heures d’économie d’électricité, contre seulement 8 milliards pour La Romaine », a expliqué un spécialiste.
Impossible de ne pas se sentir consterné devant les affirmations de Richard Reid, un retraité ancien chercheur chez Hydro-Québec. Ce spécialiste propose de remplacer le projet hydroélectrique de La Romaine par l’énergie éolienne. Selon plusieurs études mondiales, les sites les plus venteux dans les lieux habités sont l’Angleterre et le Québec. « La ressource éolienne est d’au moins cent fois supérieure à la quantité hydraulique qu’on a déjà harnachée au Québec. Il est temps de commencer à considérer cette énergie », a déclaré l’expert.
Richard Reid s’est même rendu au BAPE, en 2008, pour présenter un scénario de production électrique de La Romaine. Ainsi, au lieu des 450 km2 dévastés par le projet, les éoliennes toucheraient seulement 1 % à 2 % du territoire ciblé, soit 4 à 9 km2 pour installer les éoliennes nécessaires à la production du même nombre de mégawatts que La Romaine. « On a trouvé un terrain très venteux, on a un service équivalent, à meilleur coût, soit 6,5 cents du kilowatt/heure pour l’éolien et 10 cents pour La Romaine », a déclaré Richard Reid.
Au fil du documentaire, de magnifiques prises de vue démontrent la destruction de la faune et de la flore. Ainsi en plus du débit naturel de la rivière, des poissons, des oiseaux, de fragiles caribous, des ours et des millions d’arbres périront sur les territoires concernés par la submersion. De plus, le sujet de l’intoxication des sols au mercure est soulevé.