Héberjeune fait figure de pionnier

Julie Lattès, Le Monde, Montréal

Grâce à un projet original de lutte contre la toxicomanie, l’organisme s’est vu attribuer une subvention de 750 000 $ par Santé Canada dans le cadre de la stratégie anti-drogues et substances contrôlées.

D’une durée de trois ans, le projet se veut novateur dans son approche du problème de la toxicomanie. Il sera « par et pour les jeunes », comme l’explique Geneviève Ducharme, directrice d’Héberjeune. Huit jeunes adultes seront au centre de la démarche et formeront ce qu’Héberjeune a déjà nommé « l’escouade toxique ».

Geneviève Ducharme est la première à souligner le caractère exceptionnel de ce financement. « C’est une énorme subvention pour un organisme communautaire de quartier. Même si Héberjeune a démontré par le passé sa capacité à gérer des projets d’envergure, il est remarquable qu’on lui ait fait confiance pour une entreprise d’une telle ampleur ».

Anciens consommateurs de drogue ou ayant grandi dans cet environnement, ce sont de jeunes adultes qui, après avoir reçu une formation en animation, multimédia et toxicomanie, seront chargés d’élaborer des outils pour parler aux jeunes. Destinés à être salariés d’Héberjeune pendant environ 2 ans et demi, ils devront posséder le recul nécessaire face à la toxicomanie pour faire office de passeurs. « Il ne faut pas qu’ils entrent dans l’escouade en étant fragilisés », souligne Jean Simard, un des intervenants en charge du pilotage du projet.

Geneviève Ducharme insiste quant à elle sur la nécessité de connaître le problème de l’intérieur. « On ne veut pas quelqu’un qui regarde ça d’en haut, on veut des gens qui connaissent le problème, qui savent ce que c’est que de traîner au parc avec une bière le soir. On veut partir de leur vécu et les amener à transposer ce vécu en promotion de la santé. »

À tous les niveaux, le projet se veut aussi une expérimentation. Bien qu’Héberjeune possède déjà des outils pour parler de la toxicomanie, l’objectif n’est pas ici de reprendre des éléments existants, mais de chercher des pistes inexplorées, en allant du côté des nouvelles technologies par exemple. « On veut aller ailleurs », résume Geneviève Ducharme. « Il y a mille choses qui ont été produites sur la toxicomanie, ils peuvent s’inspirer de tout cela mais aussi aller au-delà. »

Un autre aspect du projet qui a vraiment plu à Santé Canada est la prise en compte de la diversité culturelle du quartier. Les jeunes de l’escouade seront chacun issus d’une communauté différente. Jean Simard explique l’intérêt de la démarche. « On voulait aborder le sujet selon les différences culturelles, car il y a sûrement des tabous, des communautés où le sujet est plus difficile à aborder. » L’escouade sera donc amenée à se rendre dans les différentes communautés, pour y faire une sorte d’étude de mœurs.

On voit là, toute la dimension étude sociale du projet, qui sera d’ailleurs accompagné par le Groupe de recherche et d’intervention psychosociale de Montréal. En outre, un comité scientifique formé de différents experts (santé publique, services de police, commission scolaire…) sera chargé de valider l’ensemble des outils mis au point par l’escouade. « On cherche à dégager un modèle d’intervention », résume Geneviève Ducharme.

Il est d’ailleurs question d’exporter le projet à travers le Canada. Comme le souligne Jean Simard, « ces évaluations vont servir à se réajuster continuellement, de façon à avoir une démarche solide et facilement exportable. »

Si le projet était réutilisé par d’autres organismes du Canada, Parc-Extension serait ainsi à la pointe de la recherche en science sociale au niveau de la toxicomanie. « C’est vraiment une opportunité de mettre Parc-Extension sur la carte, comme un lieu propice à la recherche, en particulier parce que c’est le bassin idéal pour travailler au niveau des communautés culturelles », conclue Geneviève Ducharme.

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