Le défi de l’information

Diane Morin, La Quête, Québec, janvier 2011

Se tenir informé et comprendre l’actualité est exigeant en soi. Le faire dans un monde globalisé en proie à une crise systémique globale l’est encore plus. Travaillant dans un organisme communautaire qui vient en aide à des gens extrêmement mal pris de toutes origines et qui, de surcroît, publie un magazine à caractère social tous les mois, je considère pertinent de le faire sérieusement. Les défis auxquels nous sommes appelés à faire face se traduiront immanquablement en demandes d’aide. D’expérience, je sais qu’il peut être très utile, pour défendre les démunies, de saisir les enjeux avant que tout soit décidé.

 

Une crise qui n’est pas terminée

 
La crise financière qui a fait les manchettes en 2008-2009 n’est pas terminée. Elle n’était qu’un aspect de la crise d’un système mis en place après la seconde Guerre mondiale. La crise dite « financière » a été masquée à grand coup d’octrois aux banques. Le mal qui gagnerait les banques s’est ensuite propagé aux États et la crise a changé de nom.
 
Maintenant, nous assistons à la progression de la crise de la dette souveraine. Certains États se sont révélés en crise : Californie, Islande, Dubaï, Grèce, Irlande. Des plans de sauvetage ont été concoctés. D’autres pays sont souvent nommés pour connaître le même sort dans un avenir prochain : Portugal, Espagne. Les montages financiers pour voler à leur secours deviennent de plus en plus difficiles à concevoir pour les leaders européens et le FMI. Alors que penser de la perspective de la faillite de poids lourds économiques, eux aussi très endettés, comme la Grande-Bretagne, le Japon et les États-Unis ? Le Canada à n’en pas douter serait emporté par le tsunami qui en résulterait.
 

… qui touche les populations

 
Après avoir sauvé les banques, les États ont entrepris de refiler de plus en plus ouvertement la note des égarements de la finance de haute voltige à leurs citoyens plutôt que de sanctionner les coupables et augmenter les impôts des plus riches. Ils le font de leur propre chef, guidés par des élites soucieuses de conserver le maximum de leur pouvoir ou sous la contrainte d’un plan de sauvetage dicté par d’autres élites, pour les mêmes raisons.
 
Certains états ont encore la possibilité de faire fluctuer leur monnaie à leur avantage pour boucler leur balance commerciale, soutenir la demande intérieure (Chine) ou financer leurs dettes (États-Unis). Ils sont engagés dans la guerre des monnaies, une autre forme que prend la crise systémique globale. Les citoyens et les partenaires commerciaux ont des limites à tolérer les manœuvres qui les briment. Tout cela accélère les mouvements de thésaurisation de l’or (en grande partie virtuel), exacerbe des tensions et alimente des conflits de toutes sortes sur le terreau de problèmes laissés sans solutions par manque de courage et de vision.
 

… qui pourrait dégénérer en conflits

 
Une chose est claire. Les pays émergents ne se laisseront plus faire. Tout le système international mis en place depuis la fin de la seconde guerre mondiale et centré sur les États-Unis se disloque. Les tensions internationales émergent partout. L’État Providence qui assurait la paix sociale est mis à sac à travers l’Occident. Les populations à qui l’on refile la note en termes de coupures manifestent dans les rues des grandes et moyennes villes du monde pour l’emploi, les régimes de retraite, l’assurance sociale, le système de santé, le système d’éducation, l’enlèvement des déchets, les services municipaux, etc. Elles identifient des coupables et dénoncent les injustices.
 

Des Québécois étrangement optimistes

 
J’ai lu à la fin novembre dans un sondage de l’Agence QMI que les Québécois sont très optimistes face à l’avenir. Le sondage en question révèle une étrange contradiction dans la logique des Québécois.
 
En effet, entre 80 et 90 % des Québécois sont pessimistes en ce qui a trait à plusieurs problèmes dont la pauvreté, la dette publique et la corruption. En même temps, « le tiers des Québécois croient qu’ils seront plus heureux dans 10 ans. Six Québécois sur dix pensent qu’ils seront aussi heureux qu’aujourd’hui en 2020. »
 

Ils pensent, surtout les plus jeunes, qu’ils seront plus riches. Comme si les Québécois croyaient que les problèmes n’auraient pas de conséquences sur eux. C’est inquiétant. Lorsqu’il y aura des décisions à prendre, la population sera en état de choc, un contexte idéal pour se faire passer n’importe quoi ! J’espère que nos médias, nos intellectuels et nos partis politiques ont pris acte de ce non-sens. De grands efforts de vulgarisation devraient être consentis.

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