Gaspésie radioactive

Benoît Trépanier, Graffici, Gaspésie, janvier 2011

Une minière de Vancouver, Terra Firma Resources, veut extraire de l’uranium, un métal radioactif, à Point-à-la-Croix et au nord d’Escuminac. Depuis 2007, la firme a relevé plusieurs indices. Doit-on s’inquiéter ?

Ce n’est que récemment que les élus concernés, les fonctionnaires des Ressources naturelles et la ministre elle-même, Nathalie Normandeau, ont appris que l’entreprise envisageait de faire les forages exploratoires au printemps 2011. La nouvelle a été transmise aux médias par la Coalition Stop Uranium Baie-des-Chaleurs formée d’environnementalistes opposés au projet. Si ça n’avait été de ce groupe, l’entreprise aurait sorti sa foreuse sans que personne ne soit informé. En effet, la loi québécoise sur les mines n’oblige pas les minières à informer quiconque de leurs intentions. Terra Firma Resources n’a d’ailleurs pas répondu à nos appels. Nathalie Normandeau lui demande de venir dans la région expliquer son projet.

Entre l’exploration, qui consiste le plus souvent à creuser des tranchées ou à prélever des carottes de minerai, et l’exploration complète d’une mine avec extraction de l’uranium, les risques varient. Ils sont inexistants dans les premières étapes selon Pierre Verpalest, directeur général du développement de l’industrie minière au ministère des Ressources naturelles. À Sept-Îles, où la minière Terra Ventures (aucun lien avec Terra Firma) aimerait bien creuser une mine au nord de la municipalité, la communauté n’a pas attendu que l’entreprise passe de l’exploration pour dire non. Plus de 20 médecins du centre hospitalier de l’endroit, appuyés par des milliers de citoyens, ont menacé de démissionner en bloc si elle allait de l’avant. L’entreprise a dû se retirer pour l’instant.

« Les mines d’uranium créent des millions de tonnes de résidus qui conservent environ 80 à 85 de leur radioactivité, ce qui a un impact irréversible », explique la porte-parole du groupe, Isabelle Gingras. En effet, le rayonnement de certaines de ces matières, comme le protactinium 234, peut ne durer qu’une minute, mais être quasi éternel pour d’autres : 250 000 ans pour l’uranium 234 et 4,5 milliards d’années pour l’uranium 238. « Ils émettent des rayons pouvant traverser la peau, briser l’ADN et amener des modifications génétiques ou des problèmes de fertilité, explique le docteur Gingras. Ces effets sont connus, mais l’impact de l’exploration d’une mine sur la santé humaine est encore mal documenté. Même la Commission canadienne de sûreté nucléaire admet qu’il y a beaucoup d’incertitude », ajoute-t-elle. La controverse à Sept-Îles a d’ailleurs forcé la Direction de la santé publique à se pencher sur la question. Un rapport, sera déposé en 2012.

En attendant, dans la Baie-des-Chaleurs, la Coalition Stop Uranium ne veut même pas entendre parler d’exploration et exige « un moratoire pour tout le Québec », explique son porte-parole, Michel Goudreau. À Pointe-à-la-Croix, le conseil municipal s’oppose au projet, craignant que les résidus d’une mine contaminent la source d’eau potable de la municipalité.

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