L’envers de l’immigration

Robert Maltais, La Quête, Québec, décembre 2010

J'ai envie de commencer cette chronique en vous posant une question ; combien de Québécois et de Québécoises connaissez-vous qui rêvent d'émigrer sous d'autres cieux ? Je ne parle pas ici de ceux et celles qui fuient piteusement nos rigueurs hivernales en passant le cœur de l'hiver en Floride. Eux, ce ne sont pas de vrais immigrants, mais une bande de vieux frileux, d'éternels.
 
Non, je parle de nos concitoyens qui fuiraient délibérément le Québec pour refaire leur vie dans un autre pays. Un pays offrant de meilleures conditions d'existence que le nôtre. Et bien moi, je ne connais aucun Québécois qui souhaite émigrer ailleurs sur la planète, en espérant y trouver à coup sûr un monde meilleur.
 
Faisons tout de suite abstraction de quelques braves Québécois qui quittent secrètement le Québec en pleine nuit pour fuir l'impôt ou la police, et de ceux et celles qui vont s'établir un moment à l'étranger, le temps de compléter des études ou de remplir quelque lucratif contrat. Sans compter nos artistes en tournée à travers le monde.
 
En vérité, nous sommes bien peu au Québec à rêver de nous établir ailleurs dans un autre pays. Est-ce, parce que nous vivons dans « le plus meilleur pays au monde » comme le soutenait notre ineffable ancien premier ministre du Canada, Jean Chrétien ? Ce serait bien prétentieux que de soutenir pareille thèse. Reconnaissons tout de même que cette terre d'Amérique française sur laquelle nous vivons, est privilégiée à bien des égards.
 
Le Québec, pour ne pas dire le Canada, est l'un des pays où il fait généralement bon vivre. La terre y est bonne, la nature belle et généreuse et nous ne manquons pas de ressources naturelles, dont d'immenses réservoirs d'eau douce, ni de grands espaces, ni de l'exotisme de nos quatre saisons, incluant notre neige – et oui, je le confesse, je fais partie de ces vieux fous qui aiment l'hiver !
 
Le Québec est perçu par certains, croyez-le ou non, comme l'un des principaux greniers du monde. De quoi pourrions-nous donc nous plaindre ? Loin d'être parfaits, nous avons nos propres maux, un système de santé vacillant, des mœurs politiques quelque peu corrompues, une propension collective à la surconsommation et à l'endettement, et des écarts de température oscillant entre +30 et -30 degrés Celsius.
 
Malgré tout, le Québec demeure une terre accueillante, fière de ses origines et de ses valeurs laïques, dont la philosophie est de vivre librement et de laisser vivre. Voilà pourquoi le Québec est une terre d'accueil pour des milliers d'immigrants venus de par le vaste monde.
 
L'immigration va des pays du Sud aux pays du Nord, comme le nôtre. Les immigrants fuient la famine, les catastrophes naturelles, les génocides, les régimes dictatoriaux. Ils rêvent tous de conditions de vie meilleures et de liberté.
 
Ça tombe bien, nos gouvernements cherchent justement à accroître le nombre de travailleurs québécois et canadiens pour soigner une économie souffreteuse. En fait, nous ne favorisons pas l'immigration : pour un noble et pur motif humanitaire, mais uniquement pour compenser le déclin de la population canadienne et être ainsi en mesure de financer nos fonds de retraite.
 
Que voulez-vous ! Nous ne faisons plus assez d'enfants dans la belle province, pas plus qu'à travers le Canada. Nous ne nous suffisons plus à nous-mêmes. Et les lois de l'économie étant ce qu'elles sont, nous avons besoin de travailleurs étrangers pour pallier notre extinction progressive et enrichir nos bas de laine qui commencent à s'effilocher.
 

La philosophie de l'immigration ne peut être subordonnée qu'à des considérations strictement économiques. Ça, pour moi, c'est de la pure foutaise !

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