Chantale Potvin, Inuvelle, Sept-Îles, novembre 2010
Sur 4 000 kilomètres, le docteur Stanley Vollant sillonnera le territoire qu’ont foulé ses ancêtres. « Si je peux m’inspirer et changer la vie de deux à trois jeunes par communauté, si je peux aussi avoir assez de connaissances transmises pour pouvoir écrire un livre sur la médecine traditionnelle, ma mission aura été accomplie », a-t-il déclaré.
Pendant cinq ans, le premier chirurgien autochtone du Québec, originaire de Pessamit, va visiter des dizaines de communautés attikameks, naskapis, algonquines, huronnes, abénakises, mohawks, malécites et évidemment innues. « J’attends l’invitation des Cris pour marcher vers leur territoire », a ajouté M. Vollant.
Inspiré à Compostelle
« L’idée de ce projet, ou de cette vision, m’est apparue sous la forme d’un rêve lors de mon pèlerinage à Compostelle en 2008 », a expliqué M. Vollant. En effet, c’est en 2007, après avoir traversé une des périodes les plus difficiles et troublantes de sa vie qu’il a décidé de marcher les 1 700 km du chemin de Compostelle. « J’ai vécu la séparation avec ma conjointe et l’éloignement de mon fils. J’étais alors très occupé et sollicité par mon travail comme directeur du programme autochtone de la faculté de Médecine de l’Université d’Ottawa, aussi comme chirurgien digestif et oncologique à l’Hôpital Montfort. »
« Je voulais aussi conjuguer avec l’éloignement de mes deux grandes filles qui vivaient à Baie-Comeau. Tout cela m’a mené à l’épuisement professionnel et à la dépression. J’ai expérimenté un désespoir profond, au point de commettre un geste suicidaire.
Par des circonstances heureuses, le soutien de ma famille et de mes amis, j’ai évité le pire », a confié M. Vollant. C’est de cette expérience unique, de cette partie noire de son existence qu’est né son projet Innu Meshkenu (chemin innu).
Wapikoni est dans le dossier !
Pour l’aider à mener à bien sa longue marche, Wapikoni mobile sera de la partie. « L’équipe m’attendra à des endroits stratégiques pour filmer les moments d, arrivée, des conférences avec les jeunes, des rencontres avec les aînés, etc., afin de ficeler les scènes et montrer un documentaire sur cette expérience de cinq ans », a commenté Stanley Vollant.
Première étape de 400 km
Durant la première année, le médecin marchera 400 km, soit environ 30 km par jour, pendant une dizaine d’heures. Il dit avancer à 4 km à l’heure.
L’itinéraire 2010 de la marche Innu Meshkenu se déroulera du 12 octobre au 2 novembre. Il visitera, entre autres, Havre-St-Pierre, Nutashkuan, l’Île-Michon, Baie-Trinité, Baie-Johan-Beetz, Mingan/Ekuanitshit, Sept-Îles, Uashat mak Maniutenam, Port-Cartier et Godbout.
Le docteur Vollant va transporter lui-même son matériel tout au long de ce trajet, interminable pour le commun des mortels. « Je vais m’arrêter ici et là et accepter les invitations des gens dans les communautés pour dormir et manger. Pour les étapes sans civilisation j’aurais de la nourriture sèche », a-t-il renchéri.
Un projet qui stimule l’intérêt
Au début, son projet cumulait 3 200 km. Or, la dernière rencontre des chefs a ajouté près d’une dizaine de communautés, ce qui fait que son itinéraire est désormais de 4 000 km.
« J’espère que des gens vont venir à ma rencontre lors de mes arrêts, à l’arrivée et au départ. Je souhaite parler aux jeunes de mon cheminement personnel, de santé mentale, de prévention du suicide, de persévérance scolaire et de l’importance de l’identité culturelle. Je veux aussi apprendre le plus de connaissances possibles reliés à la médecine traditionnelle, à la science des aînés, et aussi bâtir une relation de confiance avec eux. Comme médecin, je désire les ingrédients actifs et les interactions avec la pharmacopée moderne », a expliqué Stanley Vollant.
Deux livres naîtront
Après son expérience, il souhaite écrire deux livres, dont l’un relatera les étapes, les expériences de la marche et l’autre les rencontres et les connaissances des aînés. Hormis la promotion des valeurs de vie saine, les grandes intentions du projet sont d’inciter les jeunes à poursuivre leurs rêves et leurs passions.
Stanley Vollant est sage. « Il y a deux ans, quand j’ai marché le chemin de Compostelle, j’ai poussé mon corps, je ne l’ai pas respecté. J’ai frôlé la mort. Je ne fais pas cette marche pour me rendre malade. Pour l’instant, j’ai l’énergie, mais j’écouterais mon corps. Je suis enchanté de cette initiative. Le plus heureux résultat pour moi serait que, dans 10 ou 15 ans, quelqu’un me dise qu’il a réussi grâce à moi. J’ai hâte de rencontrer les gens et de marcher avec eux et pour eux, de connaître et d’écrire la science des aînés pour la sauvegarder », a lancé M. Vollant, quelques heures avant son départ.