Dr Pierre Fleury, L’Alliance, Preissac, novembre 2010
La violence est partout au Québec, et s'attaque à toute la société, aux enfants, aux adolescents, aux jeunes adultes, aux adultes, aux personnes âgées. On dit que c'est un phénomène de la société d'aujourd'hui, qu'elle est faite aux femmes, aux sans-abri, aux malades, aux malades mentaux, aux plus démunis, à tout ce qui est anormal selon certains standards.
Essayons de disséquer les causes de la violence. Elle a plusieurs noms selon le contexte personnel, la personne qui donne la tape, la personne qui reçoit la tape, les lieux où la tape est donnée.
Je donne une tape dans la figure de ma femme : donc je suis violent envers les femmes comme le massacre à la Polytechnique. Ce sont les bommes qui sont responsables de ce massacre. Enlevons les armes à feu ! C'est de la violence conjugale : police, plainte, casier judiciaire.
Je donne la même tape à un policier, et me voilà agresseur des forces de l’ordre public.
Je donne la même tape au premier Ministre, me voilà dans les médias et ça fait le tour de toutes les nouvelles de la terre. Ceux de l’opposition sont contents.
Je donne une tape au chef de l'opposition alors ce sont les autres qui disent qu'il l'a méritée.
Donc toujours la même tape et différentes réactions. Et en vérité j'ai pilé sur une roche qui m'a fait perdre pied et j'ai donné une tape par mégarde. Donc, me voilà dans de sales draps : nouvelles, juges, prison.
Peut-on en discuter un peu ?
Je travaille à l’urgence et en passant à côté d’une personne âgée je reçois un coup-de-poing sur la lèvre et elle fend. Mon égo en prend tout un coup. Pas fort, pas fort. Je me retourne et je vois la personne âgée qui est confuse. Je lui prends les deux bras pour ne pas en manger un autre (ou une maudite volée) et je lui dis qu'ici on ne fait pas ça. Les infirmières me disent qu'il souffre de la maladie d'Alzheimer et qu'il est hospitalisé pour violence. Ça faisait un mois qu'il couchait à l'urgence, c'est assez pour rendre un gars agressif. En dedans de cinq minutes, ils l'ont monté sur les étages et ont donné des médicaments à cet honnête citoyen.
Aucune sanction mais on a soulagé sa souffrance physique et psychologique. Dans la maladie d'Alzheimer, la phase d'agressivité ne dure que de trois à six mois. Une légère médication soulage le patient avec un environnement approprié. Voilà un cas de violence de régler seulement avec de la logique. C'est très différent de : nouvelles, juges, prison. Mais j'ai dû appeler son médecin traitant pour qu'il me fasse des points sur la lèvre à mon grand regret !
Par contre, certaines maladies rendent un individu incapable de raisonner et de faire la différence entre le bien et le mal. Punir le malade serait un geste odieux. La violence du geste ne change rien s'il est malade. Ça peut être un coup-de-poing, de poignard, une carabine, ou un revolver. Mais en changeant l'entourage on peut résoudre le problème et l'acte violent ne se produit pas.
Parmi tes maladies nous notons : la schizophrénie, les psychoses, la psychose bipolaire ou maniacodépressive ou la psychose consécutive à la prise de boisson. Si nous voyons ces troubles dans notre entourage, il est impérieux de faire traiter ce patient, avant qu’il ne pose des gestes irréparables. Vous voyez, c'est de la prévention pure car on est capable d'arrêter la progression de la maladie. Je dirais que c'est de notre devoir. Et l'entourage est toujours au courant. Ceci explique une partie des gestes violents. La famille, les voisins, les amis ont beaucoup à faire dans ces situations. Si le professionnel de la santé ne réagit pas, alors il en portera le fardeau.
De même, dans le cas de violence faite aux enfants, on doit réagir immédiatement car dans la majorité des cas, les gestes de violence sont terribles, ont des séquelles pour la vie et la vie de l'enfant est souvent en jeu en dedans de 24 heures. Faut aller voir à l'Hôpital Sainte-Justine pour en être convaincu. Et c'est toujours la même chose : savoir le pourquoi de la situation et le corriger dans les plus brefs délais pour éviter le pire. Un autre exemple : la femme dépressive juste après un accouchement, peut ne pas avoir une petite dépression mais une psychose. Le mari voit très bien la situation et doit de toute urgence contacter le service de santé. Ce qui se termine souvent par une hospitalisation et une médication appropriée.
Dans toutes nos journées nous avons à faire face à des agents stresseurs, ce qui monte notre taux d'agressivité. Admettons qu'il est à 100 %, il faut avoir des mécanismes de défense pour diminuer cette tension. C'est pourquoi une vie équilibrée (sport, loisir, lecture, exercice, alimentation) fait diminuer le stress de 100 % à 20 % selon que nos mécanismes sont efficaces. Après une grosse partie de hockey on ne cherche pas querelle au voisin, on est vidé. De fait, ce sont de bons agents de la paix. Et on n'est pas obligé de prendre de la bière, de la drogue, etc…
Lorsque les enfants jouent ensemble avec le même jeu, il faut leur montrer à partager et non à se taper dessus pour avoir le jeu. S'ils ne peuvent partager pour une raison x, on leur montre qu'il y a d'autres jeux et qu'ils peuvent jouer avec un autre en attendant, ce qui développe chez l'enfant le réflexe d'adaptation. On lui apprend à lâcher prise, ce qui cesse instantanément le conflit ; ce mécanisme de défense sera utile toute sa vie. Lorsqu'il aura de gros problèmes, il lâchera prise et ne sera pas déprimé ou ne fera pas de gestes irréparables. Il existe toujours trois ou quatre solutions pour le même problème, mais nous devons lâcher prise pour les voir et non continuer à nous battre.
Si les deux enfants font comme des avions de chasse et mettent leur radar sur le même objet, ils vont se battre. Dans une bataille, il n’y a pas de gagnant mais deux êtres avec des blessures plus ou moins sérieuses. En situation de divorce, c'est la même chose. L'entourage y fait pour beaucoup dans ces moments-là. Si on lâchait prise et que l'on regardait la situation sous plusieurs angles, plusieurs solutions seraient apportées et il y aurait moins de violence car les sources de conflits seraient diminuées.
Les personnes âgées sont souvent victimes de menaces et de représailles de la part d'un entourage malsain. Donc, il faut être à leur écoute ; un bon voisin peut voir des anomalies et leur venir en aide ou rapporter la situation à qui de droit pour cesser ce conflit potentiellement dangereux. Si c'est le temps de mettre nos abris tempo, nous sommes une dizaine d'hommes qui installent nos abris, puis nous avons notre liste de personnes âgées que nous allons aider. Je vous le dis, on apprend de ces choses ! Et on peut faire une intervention pour aider et le « gang » grossit. De cette façon les gens âgés vont demeurer plus longtemps avec nous, et parfois ce sont eux qui nous rendent service en gardant les enfants dans une situation d’urgence par exemple.
Au moment de l’adolescence, vient la liberté de choix, offrant ainsi aux jeunes une grande variété d’actions qu’ils peuvent faire. Ce qu’on ne voit pas c’est que chaque geste a une conséquence et les conséquences peuvent être désastreuses parfois, mais c’est une responsabilité collective de leur faire prendre conscience de leurs gestes. S’ils conduisent trop vite en auto, il faut sévir rapidement avant qu'un accident fatal n'arrive. Il faut qu'ils se choisissent un chauffeur désigné s'ils consomment de la boisson ce soir-là. Si le père voit qu'ils ont manqué au règlement, il doit sévir immédiatement et en parler aux autres parents du groupe. Ils en prendront l'habitude pour toute leur vie et sauveront peut-être la vie de plusieurs personnes. Leurs rôles se montrent par les parents, les amis, les professeurs de la maternelle à l’université, avant d’affronter l’universalité de la vie.
Un acte violent n’arrive pas dans un ciel bleu ; il y a toujours une ou plusieurs causes. La personne qui commet un tel acte se confie toujours à quelqu’un avant. C’est à ce moment-là que nous avons la chance de l’arrêter et de développer une communauté plaisante où il fait bon vivre comme nos ancêtres qui ont dû s’entraider pour bâti leur maison et développer leur terre. Les anciens n’avaient pas toujours tort vous savez ; on peut appliquer nos connaissances modernes pour améliorer le tout.