Louise Gagné : Une tête, plusieurs chapeaux

Valérie R. Carbonneau, Le Reflet de Société, Montréal, septembre/octobre 2010

« Es-tu libre le 1er mai ? J’aimerais que tu viennes souper avec nous ? », demandait Raymond Viger à Louise Gagné, vers la fin d’avril. Ce qu’elle ignorait c’est qu’on avait déposé sa candidature à titre de bénévole de l’année pour un média communautaire, dans le cadre du congrès annuel de l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ).

Surprise qu’on ait pensé à elle, elle remportait l’honneur quelques fois qu’une génération de jeunes était plus instruite que leurs parents, souligne-t-elle. La mise sur pied de l’Union générale des étudiants (UGEQ), les manifs pour les prêts et bourses ou contre la guerre au Vietnam… « On expérimentait tout ça, ce n’était pas théorique ! L’implication d’une personne dans la société s’inscrit dans l’histoire. » Une heure d’entrevue ne lui suffit pas pour raconter la sienne de long en large…

Pionnière parmi une centaine de jeunes membres de Bureau de concertation Jeunesse, elle a ainsi participé à l’élaboration d’un programme jeunesse avant la loi de 1975 qui allait reconnaître, pour la première fois, l’existence des droits des mineurs. À la même époque, elle était très impliquée au pavillon Jeunesse d’Expo 67. « J’étais consciente de faire partie de ce phénomène nouveau de la participation des jeunes à la société… »

Un parcours riche, chargé de détours
 

Sociologue de formation, Louise Gagné avait auparavant tenté sa chance en sciences mais en vain. « On était en 1963 », se souvient-elle comme si c’était hier. On lui a refusé l’accès au département de mathématiques « parce qu’elle était une fille ». Stupéfaite, elle a demandé au doyen de la faculté et au directeur du département : « Que dois-je faire ?… Habille-toi comme un garçon. » lui a-t-on répondu.

Pendant plus de 30 ans, elle s’est surtout à la défense des droits humains. Notamment auprès des jeunes, des femmes et des réfugiés. Elle a travaillé avec Jacques Couture, important ministre de l’Immigration après avoir été animateur social dans le quartier de Saint-Henri (Montréal) et à Madagascar. Dernièrement, elle briguait les suffrages comme conseillère dans Joseph-Beaubien, un district d’Outremont, dans l’équipe de Louise Harel de Vision Montréal.

Après avoir participé tout au long de ses années de militance à la création d’une trentaine d’organismes communautaires dont certains ont même rayonné à l’international, Louise Gagné a finalement adopté le Journal de la Rue.

« Vers 1992, alors que Raymond Viger et son collègue publiaient le Journal de la Rue avec une dizaine de jeunes, j’ai tout de suite été très sensible à cette idée de présenter le point de vue jeune. » Ainsi, elle a vu le magazine passer de 5 000 à 10 000 abonnés et près de 500 000 lecteurs ici et à l’étranger.

Depuis 1994, elle a été tour à tour administratrice, conseillère, présidente de l’organisme et membre du comité de lecture de Reflet de société. « La revue stimule l’économie locale à Montréal et dans les autres régions. Les sujets qu’on traite en témoignent. » Elle s’y associe aussi parce qu’on parle de phénomènes sociaux du point de vue des jeunes. « Plusieurs thèmes donnent rarement une réflexion aussi profonde dans les médias », admet celle qui dit se sentir à l’aise parmi les gens engagés au sein de l’organisme.

Au cours des dernières décennies, Louise Gagné travaillait au sein de la fonction publique. « Dans un ministère, il y a des postes que je n’ai jamais obtenus puisqu’on m’identifiait au communautaire », précise-t-elle. Sa fierté est d’avoir toujours défendu l’intérêt de la population.

« Je travaille pour le monde et le meilleur endroit pour le faire, c’est dans le communautaire… » Le message qu’elle veut léguer : « continuer à faire reconnaître l’expertise de la société civile pour un meilleur équilibre entre les jeunes et les moins jeunes, entre les experts et ceux qui vivent les problèmes. »

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