Sur la trace de notre patrimoine religieux

Pierre Pruneau, Autour de l’île, l’Île d’Orléans, août 2010

Les experts en art ancien à l’origine de l’exposition Trésors oubliés de l’île d’Orléans sont allés à la recherche de pièces égarées de notre patrimoine et ont patiemment remonté le cours de l’histoire de chacune.

Plusieurs des 100 pièces prêtées par toutes les paroisses de l’île, incluant la chapelle anglicane St-Mary, de Sainte Pétronille, n’ont jamais été présentées au grand public. Quelques-uns de ces trésors ont déjà conquis la faveur de certains membres du comité : ainsi, Marius Dubois, artiste peintre, a un faible pour une toile ancienne représentant Mgr d’Esglys, ancien curé de Saint-Pierre, alors que Normand Larivière, ébéniste et spécialiste du meuble québécois, et Jean Dubois, restaurateur d’objets anciens, ne jurent que par une armoire en pin « dans son jus », exhumée d’un lieu sombre et poussiéreux. Pour André Larivière, spécialiste et collectionneur d’art traditionnel québécois, le fauteuil Régence sorti du sous-sol de l’église Saint-François et les pique-cierges des Levasseur sont des pièces majeures qui vont surprendre les connaisseurs. Robert Filion, quant à lui, aime à rappeler la tradition de broderies au fil d’or qui fit la réputation des dames Ursulines dès le XVIIIe siècle. Quelques belles chasubles finement brodées témoigneront de cet art raffiné.

André Larivière souligne qu’il n’existe aucune politique de restauration et de conservation des objets patrimoniaux sur l’île. Il déplore que plusieurs objets précieux souvent mal restaurés soient conservés dans de piètres conditions. C’est pourquoi le groupe d’experts dont il fait partie a fait le tour des églises pour dresser l’inventaire de ce qui est encore récupérable, procéder aux recherches d’identification et montrer aux insulaires toute la richesse de ce patrimoine négligé. Il aime à rappeler qu’à l’intérieur de l’église de Sainte-Famille on retrouve des réalisations d’artistes couvrant quatre périodes importantes de notre art sculptural : celle des Levasseur, des Baillargé, de Louis Jobin et, enfin, de Médard Bourgault.

Chaque pièce a fait l’objet de recherches intensives dignes des meilleures enquêtes policières. Ainsi, pour le fauteuil en noyer de style Régence, la découverte d’une estampille, d’un poinçon et d’une inscription sur la traverse arrière du siège marque le début d’une véritable saga. On envoie la fille de Normand à Montréal à la Grande Bibliothèque emprunter le répertoire qui contient les marques des ébénistes anciens. Quoiqu’on n’arrive pas à identifier formellement le maître ébéniste dont les initiales sont P.M.L., on reconnaît que ses sculptures sont exécutées dans la manière de Tillard, maître-ébéniste du début XVIIIe siècle. Une rencontre avec Michel Laurent, expert du Musée de la Civilisation, leur en apprend plus sur cette décoration en forme de grenade ouverte, considérée à l’époque comme un « symbole de fécondité et de prospérité ». Enfin, l’inscription Certilleux révèle qu’il fut fabriqué dans une commune des Vosges, en Lorraine. Le mystère s’éclaircit mais la réponse à la question « Comment un objet si raffiné provenant des fins fonds de la France il y a 300 ans a-t-il abouti dans la cave de l’église Saint-François ? » demeure inconnue pour l’instant. La réponse serait-elle dans l’inventaire des biens de l’abbé François Le Guerne qui fut curé de la paroisse de 1 758 jusqu’à sa mort en 1789 alors qu’il céda ses biens au Séminaire de Québec ? La recherche en archives pourra nous en apprendre plus.

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