Les journaux communautaires sous pression

Mathieu Max-Gessler, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, septembre 2010

L’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ) est née en 1980, dans le but de regrouper et de représenter ces journaux afin qu’ils puissent continuer d’exister. Aujourd’hui, alors que l’organisme trentenaire compte 87 membres, Yvan Noé Girouard, directeur général et secrétaire du conseil d’administration de l’AMECQ, fait état de la presse communautaire et des défis qui l’attendent.

Il existe actuellement une centaine de journaux communautaires au Québec, un nombre qui se maintient. En effet, si cinq à six médias écrits naissent chaque année, autant doivent fermer leurs portes lorsque leurs fondateurs réalisent l’ampleur de la tâche. Heureusement, L’AMECQ vient en aide à ceux qui s’attellent à celle-ci. « Nous recevons beaucoup d’appels de gens qui veulent des conseils sur la création d’un journal communautaire, explique Yvan Noé Girouard. Nous avons même créé un fascicule d’information sur son incorporation, sa gestion et sa publication. »

Selon le directeur général de l’AMECQ, la demande est grande pour les journaux communautaires, surtout en région. « Les grands réseaux médiatiques disent faire de l’information locale, mais ils ne parlent que de Montréal ! Quant aux hebdos locaux, ils ne traitent pas de ce qui se passe dans les petites villes. Alors une chance que la presse communautaire est là ! » En effet, selon M. Girouard, 94 % des foyers en région la lisent, contre 65 % en ville. Ce succès peut s’expliquer par la meilleure image qu’il a 15 ou 20 ans, alors qu’on percevait ces publications comme des bulletins paroissiaux. « Les journaux ont évolué dans leur mise en page, leur présentation et leur contenu, souligne M. Girouard. Des publications de belle facture, ça aide ! »

Un avenir pavé de défis

 

La popularité des journaux communautaires ne leur permet toutefois pas de s’asseoir sur leurs lauriers. Les défis qui attendent cette presse seront nombreux, à commencer par l’autofinancement. « Dans les petites municipalités, les commerçants s’identifient à leur journal, ça se passe bien affirme le directeur général de l’AMECQ. En milieu urbain, par contre, c’est la jungle. » Vient également le problème de la relève : selon M. Girouard, 80 % des gens qui travaillent pour la presse communautaire sont des bénévoles âgés en général de 60 à 70 ans. Finalement, de plus en plus de journaux communautaires songent à prendre le virage Internet pour sauver les coûts d’impression, mais ils ne sont sûrs ni de la marche à suivre, ni du succès de cette transformation.

 

Autre ombre au tableau pour la presse communautaire : le budget Bachand. « Il a donné un gros coup, constate M. Girouard. C’était une bonne année pour la publicité nationale, mais nous n’avons eu à peu près aucune vente cet été, car les Ministères ont coupé dans les budgets qui y étaient dédiés ». Bien que le directeur constate une relance, celle-ci demeure toutefois plutôt timide. L’Association est donc allée chercher des alliés pour faire bouger les choses au gouvernement. Ainsi, cet automne, l’AMECQ, l’Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec (ARCQ) et la Fédération des télévisions communautaires feront front commun, lançant une campagne de sensibilisation sur l’importance des médias communautaires.
 

S.O.S. médias
 

La situation des médias au Québec a déjà été plus rose, surtout depuis le départ fracassant de Quebecor Médias du Conseil de presse du Québec. Depuis bientôt 10 mois, l’ancienne journaliste Dominique Payette analyse la situation des médias au Québec, à la demande de la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre. Une étude qui n’émeut guère M. Girouard. « Les échos qu’on a des gens qui ont assisté aux séances de consultation, c’est qu’ils ne savent pas trop où s’en va cette commission. Il y a déjà eu une étude menée par Armande St-Jean sur le même sujet en 2003 et les recommandations ont été mises sur la tablette. Alors pourquoi en faire une autre en 2010 ? »

Finalement, les défis qui attendent les grands médias et la presse communautaire sont semblables : maintenir leur financement, penser à une transition viable vers Internet et assurer la qualité de leur contenu. Entre un rapport qui laisse déjà de marbre, une crise de l’autorégulation des médias et un budget d’austérité, 2011 sera une année charnière pour la québécoise de tous les genres.

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