Carl Bergeron, Échos Montréal, juin 2010
Il suffit de jeter un coup d'œil aux manchettes pour constater l'évidence : l'avenir de Montréal n'est pas rose. Mais cette réalité n'est pas nouvelle. Plusieurs personnalités fortes ont exprimé, ces dernières années, leurs préoccupations quant au manque de leadership et d'orientation qui caractérise le développement de la première ville du Québec. Isabelle Hudon, présidente de la Chambre de commerce de 2005 à 2008, fut de ceux qui voulurent susciter une prise de conscience.
« Je suis intervenue moins pour dénoncer le manque de leadership que pour encourager les Montréalais à s'impliquer dans le développement de leur ville, rectifie-t-elle. Pour toutes sortes de raisons, les gens de la communauté d'affaires, en particulier, hésitent à le faire. » Isabelle Hudon continue de montrer l'exemple en ce sens. Celle qui est aujourd'hui présidente de l'agence Marketel n'est plus à la Chambre de commerce, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre son implication ailleurs. Présidente du conseil d'administration de la Société du Havre et de l'UQAM, elle acceptait aussi, tout récemment, la direction du Collectif des festivals, une agence de promotion destinée à mieux faire connaître les festivals montréalais à travers le monde.
Une conjoncture difficile
Comment expliquer une telle hésitation ? Après tout, les gens d'affaires d'autres villes en Amérique du Nord n'ont pas les mêmes scrupules. « C'est peut-être une question de culture, dit-elle. Il faut dire aussi qu'il existe à Montréal une conjoncture qui ne favorise pas l'émergence de projets majeurs. » Selon Isabelle Hudon, « il est devenu difficile pour les gens d'affaires de s'afficher. Lorsque vous vous impliquez dans un projet, les critiques peuvent venir très rapidement. »
Ainsi, la résistance est parfois forte, certains groupes communautaires n'hésitant pas à mettre les bouchées doubles quand vient le temps de bloquer un projet qui ne leur plaît pas. « Je dirais qu'ils sont bien organisés, dit Mme Hudon. Pour quelqu'un qui n'est pas habitué à se retrouver au cœur de ce type de situation, ça peut être déstabilisant. »
En somme, les « affaires » se compliquent lorsqu'elles deviennent « politiques ». Car là réside sans doute une bonne partie du problème. « Nous sommes en démocratie, c'est donc normal que des groupes d'opposition s'organisent. Mais en définitive, une fois que les promoteurs d'un projet et ses opposants ont fait valoir leur point de vue, la décision de trancher repose sur les épaules des élus politiques. Ils ont en tout cas la responsabilité d'agir et de porter une vision d'avenir. C'est pour cette raison que nous les élisons. »
Qui gouverne ?
Pas toujours évident de savoir qui gouverne à Montréal. « Dans les faits, les maires d'arrondissement sont assez puissants, dit Mme Hudon. Les jeux politiques entre arrondissements rendent complexe la dynamique politique dans l'ensemble. » Difficile de lui donner tort : sur papier, Montréal est une ville bureaucratisée et fragmentée à l'excès.
Les ratés du système ne sont toutefois pas seuls en cause. Isabelle Hudon pointe cette manie bien québécoise du « consensus », qui conduit les décideurs à accepter tout et n'importe quoi pour accommoder tous et chacun. « Il faut éviter l'obsession du consensus. Toute prise de décision implique forcément de faire des mécontents. Les politiciens le savent, bien sûr : ils ont entendu les doléances sur le sujet et sont au courant des problèmes, des réticences. Ce qu'il faut maintenant, c'est manifester une véritable volonté politique pour que les choses changent dans la réalité. »