Retour aux origines pour les Micmacs ?

Pascal Alain, Graffici, Gaspésie, juin 2010

Il y a quatre siècles, le chef micmac Membertou devenait le premier autochtone à être baptisé en Amérique du Nord. Cela se passait près de Port-Royal, en Acadie, le 24 juin 1610, quelques années après la fondation de cette première colonie française en terre d’Amérique. Quatre siècles plus tard, que peut-on retenir de cette conversion ?

L’état actuel de la pratique religieuse chez les Micmacs ressemble drôlement à celle des Blancs. Les plus âgés se rendent à l’église, les jeunes adultes la délaissent et leurs enfants s’en tiennent loin. Comme les Blancs, les Micmacs ont récemment retiré tout enseignement religieux de l’école. Cependant, on remarque un retour graduel aux traditions religieuses amérindiennes.

Il y a 400 ans, la France colonise des contrées lointaines avec la présence indispensable de l’Église catholique qui détient un véritable pouvoir politique. Plus près de nous, cette règle est également de mise. En effet, l’arrivée des Français en Gaspésie et en Acadie s’effectue parallèlement à la conversion à la foi catholique des Autochtones qui vivent sur ces terres depuis des milliers d’années.

En juin 1610, le chef micmac Membertou passe à l’histoire en se faisant baptiser sous le nom d’Henri avec une vingtaine des siens. Au fil des ans, prêtres et missionnaires baptiseront les Micmacs à la chaîne, mais ce n’est qu’une façade. Ne comprenant pas la langue des Français, les Autochtones deviennent catholiques sans s’en rendre compte, sans comprendre les paroles et les gestes du prêtre. D’autant plus qu’on ne leur demande pas leur permission. Les convertis considèrent le prêtre comme un shaman, figure religieuse qui s’apparente à un sorcier aux pouvoirs considérables chez les Micmacs. Sauf exceptions, une fois convertis, les Micmacs ne renieront pas leurs traditions religieuses, qui reposent sur un dieu suprême et sur nombreuses autres divinités aux figures humaines et animales.

Évangéliser les Micmacs n’est pas une tâche de tout repos et comporte sa part de risque. Le missionnaire devait faire preuve de zèle pour arriver à ses fins, allant jusqu’à imiter les marchands en offrant des objets sans valeur aux Amérindiens pour se faire accepter. Le missionnaire récollet Chrestien Leclerc écrit dans les Relation de la Gaspésie, en 1691, que la conversion des Micmacs implique des sacrifices considérables : « Coucher sur la terre couverte d’un peu des branches de pin, n’avoir qu’une écorce entre la neige et notre être, traîner notre bagage sur des montagnes ; se laisser rouler dans les vallons épouvantables, ne manger qu’une fois ou deux par trois jours, quand il n’y a pas de chasse ». Les missionnaires rêvent d’une conversion rapide des Autochtones et l’hospitalité traditionnelle des Micmacs favorise leur quête…

De la création des « réserves » vers 1 850 jusqu’à la Révolution tranquille de 1960, les Micmacs se voient dans l’obligation de suivre l’enseignement catholique des Blancs, assuré par les différentes congrégations religieuses. Plusieurs y perdront leur langue, pour ne pas dire leur culture. Aujourd’hui, bon nombre de Micmacs des communautés de Gespeg, Gesgapegiag et Listuguj se disent catholiques, même s’ils ne sont pas tous pratiquants. Plusieurs d’entre eux, adeptes du mouvement Belive Spiritual, retournent graduellement à leurs traditions religieuses. Les pratiques religieuses ou spirituelles du mouvement sont reliées à l’origine culturelle des Micmacs et se reflètent dans leur alimentation, leur habillement et autres coutumes quotidiennes. Les Amérindiens qui reviennent à leurs traditions et à leur passé, de retrouver leur identité et de redonner une fierté à la jeunesse. Plusieurs d’entre eux, adeptes du mouvement Belive Spiritual, retournent graduellement à leurs traditions religieuses. Comme quoi les Micmacs résistent, à leur façon à quatre siècles d’assimilation.

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