L’humanité loufoque des Affreux

Josée Louise Tremblay, L’Itinéraire, Montréal, le 1er juin 2010

Chez nous, il est difficile pour un artiste de vivre de son art. D’ailleurs, plusieurs de nos grandes vedettes le disent : ils se sentent privilégiés de vivre de leur métier. Imaginez alors, lorsque devenue mère monoparentale, une artiste peintre méconnue de Québec crée des personnages pour enfants et ouvre une boutique dans la capitale québécoise pour vendre des accessoires ornés de ses dessins rigolos. C’est ce qu’a fait Julie Miville, illustratrice de la bande dessinée Les Affreux, récemment publiée aux éditions Les Intouchables. Parfois, les histoires de conte de fées sont bien réelles.

Il y a une dizaine d’années naissait un petit garçon, Émile. L’imagination fertile de sa maman peintre, n’arrivait pas à vendre suffisamment de toiles pour les faire vivre, cherchait un moyen pour créer à la maison et demeurer avec fiston. Les personnages des Affreux sont apparus. « À l’époque, j’ai connu ma collaboratrice actuelle, Pascale Perron, qui est courtière. Ensemble, nous avons créé une collection d’objets avec les personnages des Affreux, puis on a ouvert une boutique pour les vendre. Comme ça, je restais avec mon fils à la maison », raconte l’artiste. Depuis, Julie Miville dessine ses personnages un peu tout croche et à la bouille sympathique. « Je voulais simplement vivre de ça », dit-elle.

Comment les Affreux sont-ils arrivés sur les tablettes des libraires ? Tout bonnement parce que l’illustratrice a rencontré Michel Brûlé, l’éditeur des Intouchables, dans sa boutique. « Il a débarqué dans mon commerce et a tout de suite aimé les personnages. Il m’a dit qu’il aimerait faire de la B.D. avec eux », dit Julie en rigolant. C’est là où Les Affreux, personnages rocambolesques se baladant depuis dix ans déjà sur des articles divers comme des sacs, des coussins ou des t-shirts, ont pris la direction de l’édition.

Faire vivre des personnages, leur attribuer des mots est un art en soi qui a été confié aux bons soins de Nicole Bélanger, scénariste et collaboratrice des histoires farfelus des Affreux. « Michel m’a proposé de travailler avec Nicole et ça a collé entre nous. Je lui ai présenté les sept profils de mes personnages et ça l’a inspirée. » En seulement deux années, l’équipe a réussi l’exploit de faire paraître trois bandes dessinées mettant en vedette l’un ou l’autre personnage de la famille.

Selon Julie Miville, ses dessins représentent l’humanité réfléchie dans un miroir loufoque. Polémon à la chasse à l’original place le patriarche mythomane égoïste et égocentrique de la bande au premier plan. Reine et la planète des Vieux Garçons est un satyre sur la dépendance qu’ont les membres d’une famille aux tâches ménagères effectuées par les mères. Lorsque maman n’est plus là, plus rien ne va ! Simone à la Sorbonne envoie la petite futée (et la joyeuse ribambelle) à Paris se heurter au choc culturel français. Tout simplement tordant ! Vivement la suite avec leurs trois enfants : Maurice, l’éternel incompris, Nina et son chum Goth, deux amoureux idéalistes et anticonformistes.

Les Affreux s’adressent à un public de 10 à 100 ans. « Il y a plusieurs niveaux de langage, parfois c’est un peu crunchy. Les adultes peuvent trouver ça drôle et mes dessins sont attachants pour les enfants », décrit l’illustratrice. Chaque album a une histoire différente qui aborde les situations de la vie à travers la lorgnette de cette surprenante famille. « On se retrouve dans mes personnages car ils sont paradoxaux comme les humains. Il y a un toujours un Affreux qui sommeille en nous et ils sont merveilleusement imparfaits », ajoute Julie.

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