Préserver notre mémoire grâce au patrimoine bâti

Philippe Meilleur, L’Itinéraire, Montréal, le 1er avril 2010

Même si elle n’est pas aussi vieille que les grandes capitales d’Europe, Montréal regorge de trésors architecturaux méconnus. Afin de garder intacte son identité, la ville et ses habitants doivent miser sur la préservation et la mise en valeur du patrimoine religieux, naturel et urbain de l’île, selon les observateurs. Tour d’horizon d’une problématique ancrée dans le passé… mais pourtant très actuelle.

L’une des plus importantes questions qui préoccupe les expertes en patrimoine est celle de la conservation des lieux de culte de Montréal. Alors que le poids social des communautés religieuses décroît d’année en année et que les églises se vident, la ville aux cent clochers doit sérieusement songer à ce qu’elle fera de cet héritage.

« Les églises, couvents et collèges sont très présents dans les quartiers de Montréal et constituent une œuvre majeure qui réunit tous les arts – architecture, sculpture, peinture, musique, calligraphie, tissage », énumère Dinu Bumbaru, directeur des politiques à Héritage Montréal.

La vente pure et simple de ces sites n’est pas une solution viable, selon lui. « La reconversion en projets commerciaux répondant d’abord à des objectifs de rentabilité financière ne répond pas aux préoccupations de la communauté qui a vu dans ces lieux des sites d’intérêt. »

Cela est d’autant plus vrai que les croyants ne sont pas les seuls concernés, ajoute Claudine Deom, professeure à l’École d’architecture et responsable de la maîtrise en aménagement, option conservation de l’environnement bâti, à l’Université de Montréal. « Que l’on soit croyant ou non, ces espaces revêtent une importance historique, expose-t-elle. Ces lieux font partie de notre mémoire collective. »

Afin de répondre à ces préoccupations, la Ville de Montréal a déjà procédé à l’inventaire de tous les lieux de cultes présents sur son territoire, dit Hélène Fotopoulos, responsable du Patrimoine au comité exécutif. « Ce sont des lieux qui appartiennent à des communautés, et nous allons les inciter à préserver leur héritage », promet-elle.

 

Trouver l’équilibre sur la montagne

 

La préservation du Mont Royal et de ses installations et aussi un enjeu très préoccupant aux yeux des experts. Au-delà des travaux déjà réalisés, comme les récentes rénovations de la croix et du pavillon du Lac-aux-Castors, il faudra apprendre à gérer intelligemment les changements futurs. « Il s’agit de trouver l’équilibre entre le développement respectueux et la conservation de la nature, dit Claudine Deom. Cela demandera beaucoup de discussions et de sensibilisations ».

« Avec les rives de l’île, le Mont Royal constitue l’une des seules réserves d’espaces verts disponible pour la création d’espaces publics, poursuit Dinu Bumbaru. Mais cette ambition est menacée par les projets de promoteurs qui cherchent à densifier les sites par des projets trop souvent indignes d’un tel sacrifice. »

 

Une question de sensibilisation

 

Ces grands enjeux de préservation ont impérativement besoin d’un soutien de la population pour rester prioritaire, si l’on en croit les observateurs. « Les Montréalais doivent apprendre à connaître l’aventure montréalaise et les lieux, grands ou modestes, anciens ou récents, qui en sont les témoins parlants », dit Dinu Bumbaru.

L’aspect monétaire est non-négligeable : la Ville a notamment l’intention de continuer à encourager les propriétaires qui ont des biens patrimoniaux à les préserver en leur octroyant des subventions, selon Hélène Fotopoulos.

Mais la réalisation de ce défi passe aussi par une meilleure éducation populaire, croit Claudine Deom. « Pratiquement tout lieu a un potentiel patrimonial, autant l’Oratoire que la petite maison sur le Plateau, notamment grâce à leur qualité architecturale propre, dit-elle. Il en va de la responsabilité de chacun d’entretenir et de développer une fierté par rapport à ce que l’on a. »

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