Protégeons le Saint-Laurent

Sébastien Lacroix, L’annonceur, Pierreville, le 6 avril 2010

Après la reconnaissance du lac St-Pierre comme réserve mondiale de la biosphère par l’UNESCO, voilà qu’un mouvement est lancé pour que le fleuve Saint-Laurent soit reconnu comme patrimoine national du Québec. Bonne idée.

On le prend pour acquis notre fleuve, mais plusieurs menaces pèsent sur lui. Qu’on pense, par exemple, à la menace lancée par la Commission mixte internationale d’ouvrir le barrage international Moses-Saunders à la hauteur de Cornwall en Ontario et de Massena dans l’État de New York. Pour une simple question de changement dans la gestion des débits, des conséquences graves seraient entrainées sur le niveau de l’eau jusqu’à la pointe est de l’île d’Orléans, à Québec.

Retenir l’eau dans les Grands Lacs constituerait une menace dramatique pour l’environnement, la vie des riverains et le transport maritime, entraînant des inondations ou l’assèchement des rives, de la pollution due aux eaux usées, la modification des habitats aquatiques, la perte d’usage à des fins récréotouristiques, et Dieu sait quoi d’autres.

Qu’on pense aussi à l’usine de filtration de Montréal qui rejette encore des contaminants dans l’eau en quantité inimaginable ; à la rivière Yamaska, qui est presque verte lorsqu’elle se jette dans le fleuve ; ou aux milliers d’obus dont la Défense nationale est à la recherche en raison des essais de munitions qui ont eu cours pendant près de 50 ans, à Nicolet.

Qu’on pense même aux plaisanciers qui se servent encore de l’eau comme d’une poubelle comme en fait foi le bilan du comité Zip Les Deux Rives qui a ramassé plusieurs tonnes d’ordures sur les rives. Qu’on pense encore aux stocks de perchaudes et d’anguilles, qui ont atteint un état critique au point où l’on craint pour leurs survies, ou même au bar rayé, une espèce disparue depuis le milieu des années 1990 et que l’on tente de réintroduire. Si la situation du fleuve St-Laurent s’est un peu améliorée depuis quelques années, il y a encore fort à faire pour protéger toute la richesse naturelle dont il regorge et son importance stratégique.

Avec une reconnaissance patrimoniale, on y penserait à deux fois avant de traverser un pipeline pour alimenter en gaz naturel une centrale de cogénération inutilisée à Bécancour. On n’aurait même pas songé à y extirper du pétrole sans même se soucier des fonds marins. On n’entreposerait pas autant de déchets nucléaires tout près des berges comme le fait Gentilly-2.

En 2002, avec Politique nationale de l’eau, le gouvernement avait fait un premier pas vers la reconnaissance du St-Laurent comme patrimoine national, mais comme dans le cas de la reconnaissance de la nation québécoise par le fédéral, il faut que ça s’accompagne par des pouvoirs.

Comme le souhaite l’organisme Les Amis de la vallée du Saint-Laurent qui est en démarche d’appui auprès de municipalités riveraines du Saint-Laurent, le statut de patrimoine national devrait aussi s’accompagner par des sommes d’argent afin de mettre en branle différents projets d’aménagement, de parcs et de développement de loisirs.

Il faudrait aussi s’assurer d’énoncer de grandes orientations et des règles claires pour le mettre en valeur pour ensuite mener une grande campagne de sensibilisation auprès des utilisateurs. Pour le Québec, le fleuve est une grande richesse naturelle. Il a aussi une importance historique et culturelle et il a depuis toujours contribué à notre développement économique.

Réduire au maximum le déversement de contaminants agricoles, ou autres, dans les ruisseaux et les rivières, éviter le déboisement des rives, la surpêche et la destruction des habitats aquatiques et, surtout, empêcher que la Commission mixte internationale de jouer avec son débit : c’est la moindre des choses.

Pour que les prochaines générations puissent encore aller y pagayer, y pêcher ou même s’y baigner, mon fleuve, notre fleuve : j’en prends soin.

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