Regards poétiques : Tendres regards sur l’hiver

Sylvie Prévost, Journal de Prévost, le 18 février 2010

Une toute douce soirée maître-élève : le pianiste Michel Fournier et, en première partie, la jeune Yogane, Lacombe. L’étudiante a joué quatre pièces, trois judicieusement choisies à la fois pour leur propos de sortir de l’enfance et pour la variété des techniques déployées, ainsi qu’un nocturne de Chopin qui lui a permis d’exprimer une âme romantique. Élève douée, elle a fait preuve d’une compréhension sans faille de sa musique, et elle frappe par la qualité de son écoute intérieure, sa concentration soutenue et ses moyens pianistiques extrêmement prometteurs.

Suivait le maître, qui nous a entraînés, grâce à son art consommé de la nuance, sa maîtrise de la structure des œuvres et son respect de chacune, sur les chemins poétiques et enneigés d’un monde vu d’assez loin pour qu’il reste enchanté. Il a évité avec raison d’en rajouter dans la Valse minute de Chopin, piège dans lequel un virtuose moins éclairé n’aurait pas manqué de tomber, il y a cependant été un peu plus lourdement dans Cinéma Paradiso alors que la musique de Morricone parle d’elle-même. Exploitant parfaitement les possibilités de son instrument, il a livré un Bach d’une ampleur organistique et un Mozart d’une délicatesse rappelant les fleurs de givre. La mise en scène pleine de naturel, assurée par Marc Royer, nous a menés exactement là où nous devions nous rendre ; la présentation est détendue et le jeu, lumineux.

Au-delà de ses immenses qualités de pianiste, M. Fournier possède le don extrêmement précieux de remettre la musique classique au public. Il est l’interprète de la musique, mais autant l’interprète du public ; il est le pont par lequel non seulement nous sommes touchés, mais nous touchons aussi… Nous accédons par son intermédiaire à quelque chose que nous ne savions pas porter en nous ; il nous laisse l’impression d’avoir exprimé quelque chose de nous-mêmes, d’avoir créé nous aussi ; il nous permet d’entendre dans la musique notre propre histoire. Grâce à lui, la musique n’est plus univoque ; elle devient véritablement une langue universelle.

C’est une qualité rare en notre monde où la performance et la technique semblent trop souvent l’alpha et l’oméga de l’art musical, au détriment de l’âme qui l’a pourtant engendré. Au pianiste d’abattre l’ouvrage, d’apprendre, de chercher, de comprendre, de pratiquer ; Michel Fournier sait y faire. Rendue au concert, cette ossature s’est miraculeusement recouverte d’une chair palpitante et c’est au public de se détendre, de vibrer, de s’ouvrir, de vivre pleinement enfin, sans être tenu de mettre au vestiaire son cœur et son âme, comme c’est hélas souvent le cas dans notre vie quotidienne. Quelle belle soirée nous avons eue !

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