expĂ©dition au Mont Everest Les quatre dames au sommet de leur expĂ©rience au mont Everest : RĂ©jeanne Tremblay, Jocelyne Picotin, Bernadette VĂ©ronneau et Jocelyne Gatien n’oublieront jamais cette aventure! | Photo: collection personnelle RĂ©jeanne Tremblay

Chacun, chacune son Everest !

Article original 📰

MichĂšle Lavoie, L’écho de Compton, Compton,  mars 2025

Quand j’ai proposĂ© de rendre hommage Ă  RĂ©jeanne Tremblay dans un texte pour L’écho, je voyais comme un exploit sa longue marche en novembre 2024, alors qu’ñgĂ©e de 75 ans, elle atteignait le camp de base du mont Everest, situĂ© Ă  5 364 mĂštres d’altitude. Relever tous ces dĂ©fis Ă  la conquĂȘte de la plus haute montagne du monde, quel dĂ©fi pour le commun des mortels! Or, j’ai Ă©tĂ© surprise de dĂ©couvrir que ce n’est pas du tout ainsi que RĂ©jeanne analyse son expĂ©rience.

D’abord, les Ă©tapes prĂ©paratoires
 

AprĂšs le dĂ©cĂšs, en 2022, de sa mĂšre qu’elle avait accueillie chez elle pendant sept ans et malgrĂ© son souci de se maintenir en forme en prenant l’air
 et en s’offrant des marches le plus souvent possible, RĂ©jeanne me confie : « j’avais l’impression de devenir une p’tite vieille, ce que je ne souhaitais surtout pas ».

DĂ©jĂ  adepte de la marche en solo, elle a joint Ă  Sherbrooke un groupe de marche reliĂ© à l’Association du QuĂ©bec Ă  Compostelle. Elle y a constatĂ© qu’elle Ă©tait en mesure de participer Ă  des randonnĂ©es de plus en plus longues et exigeantes. En somme, parcourir des kilomĂštres par des tempĂ©ratures variĂ©es, s’adapter aux routes et aux hĂ©bergements proposĂ©s dans les Guides du pĂšlerin, non seulement ça ne lui faisait pas peur, mais elle aimait ça! Progressivement, elle s’est renseignĂ©e sur les parcours qui mĂšnent Ă  Compostelle, point d’arrivĂ©e des divers chemins balisĂ©s qu’on peut emprunter.

DĂšs 2023, elle a chaussĂ© ses espadrilles, rempli son sac Ă  dos, mais pas trop, et elle a parcouru les 270 km du Chemin Portugais cĂŽtĂ© littoral qui va de Porto au Portugal jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne. Toute seule. Avec son baluchon, ses bĂątons de marche
 et son cellulaire. Le plus bel itinĂ©raire, dit-elle, qui permet de flĂąner, d’admirer la mer et de faire des rencontres inoubliables. Puis, le tout agrĂ©mentĂ© de l’accueil de sa petite-fille Camilia venue passer la derniĂšre semaine avec elle. Un mois de bonheur
 et de quelques aventures!

Deux autres randonnĂ©es importantes la prĂ©pareront aussi Ă  son pĂ©riple vers l’Everest. Le Chemin des Outaouais (240 km en 12 jours) a Ă©tĂ© parcouru en groupe en juin 2023. Puis, RĂ©jeanne a aussi marchĂ© avec une amie Le Chemin des Sanctuaires en juin 2024. Un pĂ©riple de 18 jours (375 km) sur des routes reliant l’oratoire Saint-Joseph Ă  la basilique Sainte-Anne-de-BeauprĂ©, en passant par Trois-RiviĂšres. Dans ce dernier cas, pas question de se payer de trop longues escales ou de se plaindre de ses ampoules! «Les gĂźtes qui nous accueillaient tout au long du parcours devaient ĂȘtre libĂ©rĂ©s quotidiennement pour laisser place au groupe suivant. Beau temps, mauvais temps, on avançait!».

En voyage vers l’Everest

Avec tous ces kilomĂštres au compteur, on ne s’étonnerait pas que RĂ©jeanne ait regardĂ© plus loin
 et plus haut. C’est alors que la marche vers le camp de base de l’Everest lui a Ă©tĂ© proposĂ©e. Comment? Voici un autre bout de l’histoire.

Pendant qu’elle poursuivait ses activitĂ©s au sein du groupe sherbrookois Du QuĂ©bec Ă  Compostelle, une Ă©quipe du Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV) de l’UniversitĂ© de Sherbrooke (UdS) recrutait des volontaires parmi des personnes aĂźnĂ©es pour une marche exigeante vers l’Everest. RecrutĂ©e pour cette expĂ©rience aprĂšs plusieurs tests, RĂ©jeanne a acceptĂ© de relever le dĂ©fi car elle se sentait bien encadrĂ©e, dit-elle.

La chercheuse ElĂ©onor Riesco, codirectrice scientifique du CdRV et professeure Ă  la FacultĂ© des sciences de l’activitĂ© physique de l’UdS caressait l’idĂ©e de ce projet depuis plusieurs annĂ©es. Son objectif, « dĂ©montrer que le vieillissement en soi n’empĂȘche pas de se dĂ©passer et de relever des dĂ©fis de grande ampleur. » Elle voulait ainsi « combattre les stĂ©rĂ©otypes liĂ©s Ă  l’ñgisme en dĂ©montrant qu’avec une prĂ©paration adĂ©quate, les personnes aĂźnĂ©es sont tout aussi capables de relever des dĂ©fis qui, instinctivement, pourraient nous sembler rĂ©servĂ©s Ă  des personnes plus jeunes ».

RĂ©jeanne s’est sentie en confiance, car la responsable de la recherche Ă©tait entourĂ©e d’autres chercheurs en psychologie, kinĂ©siologie, neurosciences et mĂ©decins spĂ©cialistes. « Nos conditions physiques ont fait l’objet de plusieurs mesures et nous Ă©tions bien accompagnĂ©es pour affronter les diffĂ©rentes conditions : renforcement de la musculature et des capacitĂ©s d’adaptation Ă  l’altitude, notamment ».

Le grand jour

Ainsi, le 1er novembre 2024, en compagnie de trois autres marcheuses aĂźnĂ©es et de six accompagnateurs du CdRV, elle a amorcĂ© une expĂ©dition de 24 jours : dĂ©placements vers le lieu de dĂ©part de l’escalade et 14 jours pour l’ascension vers le camp de base de l’Everest et puis, la descente.

RĂ©jeanne nous raconte : « Nous marchions 8 Ă  10 km par jour, Ă  notre rythme, mais la longueur de nos pas diminuait Ă  mesure que nous prenions de l’altitude. Par exemple, sur les plus hauts sommets, mes pas avaient la longueur d’un de mes pieds. Chaque pas exige un effort et est fatigant. Nous dormions dans des loges sans chauffage et sans eau courante, mais munies de toilettes sĂšches. Comme j’avais voyagĂ© en Inde en 2017, la nourriture Ă©tait semblable et j’ai eu la chance de ne pas perdre l’appĂ©tit n’ayant pas Ă©prouvĂ© de nausĂ©es dues Ă  la marche en altitude. Nous le savions au dĂ©part, mais nous avons Ă©prouvĂ© ce que ça signifie, sortir de sa zone de confort ».

Et elle explique : « Notre fatigue et nos inconforts Ă©taient vite attĂ©nuĂ©s par la joie de nos dĂ©couvertes : les beautĂ©s de l’immensitĂ© Ă  admirer, la fiertĂ© de nos rĂ©ussites et, surtout, les plaisirs qui ont parsemĂ© notre route. Comme aĂźnĂ©e du groupe des marcheuses, j’ai fĂȘtĂ© mes 75 ans pendant le voyage et ma famille a organisĂ© une rencontre virtuelle pour m’offrir ses vƓux. Moment trĂšs Ă©mouvant qui m’a fait grand bien et beaucoup plaisir! Le fait de pouvoir communiquer rĂ©guliĂšrement Ă©tait rassurant pour nos familles et amis, tout comme pour nous ».

Et qu’en Ă©tait-il des bagages Ă  transporter? « Bien entraĂźnĂ©s Ă  se dĂ©placer en altitude et Ă  accompagner des marcheurs, des Sherpas, vivant dans les vallĂ©es de l’Himalaya au NĂ©pal, transportaient le plus gros du matĂ©riel. Cependant, chaque membre de notre groupe transportait un sac Ă  dos pour ses besoins quotidiens. Dans le mien, en priorité : trois litres d’eau au dĂ©part, car la soif est bien prĂ©sente, et des vĂȘtements appropriĂ©s pour les Ă©carts de tempĂ©rature qui peuvent ĂȘtre importants en une seule journĂ©e ».

Que retient Réjeanne de son expérience?

« Je me sens plus vivante et non pas une p’tite vieille. Quel que soit notre Ăąge, mais encore plus dans un monde oĂč les aĂźné·e·s sont de plus en plus nombreux, si on veut persĂ©vĂ©rer dans ce qu’on entreprend, il faut qu’on aime ça. Des rĂ©solutions prises avec l’annĂ©e nouvelle seront vite abandonnĂ©es si ça nous pĂšse plutĂŽt que nous stimuler. Il faut faire quelque chose pour soi et non parce que ça semble une bonne idĂ©e
 en thĂ©orie ou pour les gens qu’on cĂŽtoie. Bref, il faut identifier ses passions, s’engager Ă  la mesure de ses capacitĂ©s – la rĂ©ussite est importante- et avoir du plaisir! ».

L’aspect socialisation est Ă©galement important pour conserver sa vivacitĂ©, nous dit RĂ©jeanne. « Tant sur les chemins de Compostelle qu’à l’occasion de mon expĂ©dition vers l’Everest, j’ai fait des rencontres significatives, j’ai dĂ©veloppĂ© des amitiĂ©s, j’ai vaincu quelques moments d’anxiĂ©tĂ© et je me suis dĂ©couvert des capacitĂ©s que je ne soupçonnais pas, souvent grĂące aux contacts avec les autres ».

Sourire en coin, elle ajoute : « on dirait qu’en voulant nous protĂ©ger pendant la pandĂ©mie, on nous a soudain fait prendre conscience qu’on Ă©tait des aĂźnĂ©es alors qu’avant 
 on ne le savait pas! »

« Chacun.e son Everest », nous dit cette grande marcheuse qui a renforcĂ© une passion qui sommeillait. « Vieillir est un privilĂšge qui n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde. Pour que ce soit valorisant, c’est nous qui devons identifier nos dĂ©fis. Danser, chanter, Ă©crire, jardiner, peu importe le choix qu’on fait, l’important c’est de faire bouger son corps et son cerveau. Et de choisir soi-mĂȘme ses passions! »

Qu’est-ce qui mijote dans la marmite des rĂȘves de RĂ©jeanne? 

Pour le groupe Du QuĂ©bec Ă  Compostelle, elle organise des activitĂ©s de marche dans la rĂ©gion de Coaticook, lĂ  oĂč elle s’est entraĂźnĂ©e le plus souvent avant son dĂ©part vers l’Everest. Elle peut accompagner des personnes qui en ont le goĂ»t sur La Voie des pĂšlerins de la VallĂ©e de la Coaticook. Et pour combler son plaisir des longues randonnĂ©es, se profile Ă  l’horizon pour l’étĂ© 2025 une randonnĂ©e dans sa rĂ©gion natale, le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Juste une petite marche de 400 Ă  500 km qui la mĂšnera du Lac-Bouchette vers Cap TrinitĂ© et QuĂ©bec!

Nul doute, la marche est une passion pour Réjeanne!

Elle ajoute qu’elle accepterait bien volontiers de partager ses expĂ©riences avec d’autres lors d’activitĂ©s organisĂ©es Ă  Compton oĂč elle et sa famille se sont installĂ©es en 1976. Comme RĂ©jeanne ne fait pas les choses pour Ă©pater la galerie, bien des gens de chez nous ignorent qu’elle s’est impliquĂ©e pendant des annĂ©es au ComitĂ© d’école, qu’elle a fait partie du CA des Compagnons du Lieu historique et, au cours des annĂ©es 1980, dirigĂ© les destinĂ©es de notre village comme conseillĂšre municipale et comme premiĂšre et unique femme Ă  ce jour Ă  avoir occupĂ© le poste de maire.

Pas surprenant qu’elle ait relevĂ© avec brio le dĂ©fi de l’Everest!

Merci d’avoir partagĂ© ton expĂ©rience, RĂ©jeanne!

Pour plus d’informations sur la recherche Ă  laquelle RĂ©jeanne a participé :
www.usherbrooke.ca/actualites/nouvelles/details/54029