Saleh Mohamed Younous, Santiago Palacio et Roxana Quicano, employĂ©s du SCRI devant l’entrĂ©e de leur nouvel immeuble. Photo: JDV / Amine Esseghir

Plus que des logements sur Lajeunesse

Article original 📰

Amine Esseghir, Journal des voisins, Montréal, décembre 2024

Des logements pour immigrants vulnĂ©rables, mais aussi beaucoup de services. C’est la vocation du projet immobilier Miracle Lajeunesse du SCRI, rĂ©cemment rĂ©alisĂ© sur la rue Lajeunesse.

Une nouvelle friperie sur la rue Lajeunesse vient Ă  peine d’ouvrir. Elle appartient au Service communautaire pour rĂ©fugiĂ©s et immigrants (SCRI).

«Nous vendons essentiellement des produits neufs», souligne Angelica Retamozo, qui travaille dans la boutique. Ce sont des fins de série, des stocks morts ou des articles dont les commerçants ne veulent plus. Ils sont cédés à des prix intéressants et font le bonheur de ceux qui en ont le plus besoin.

La friperie accueille tout le monde. Elle est aussi la derniĂšre Ă©tape dans l’installation du SCRI dans ses nouveaux locaux.

Le projet entier s’appelle Miracle Lajeunesse. SituĂ© au 8790, rue Lajeunesse, il offre d’abord douze studios pour personnes vulnĂ©rables, mais aussi des salles d’activitĂ©s et de cours, des bureaux pour le SCRI et bien entendu une friperie.

Le SCRI s’appelait Centre Scalabrini pour rĂ©fugiĂ©s et immigrants et Ă©tait abritĂ© durant 15 ans dans un local attenant Ă  l’église Santa-Rita, sur la rue Sauriol. Un avis d’éviction avait Ă©tĂ© Ă©mis en 2017 alors que les propriĂ©taires — la communautĂ© religieuse des Scalabriniens — voulaient construire des condos.

À cette Ă©poque, le SCRI offrait 10 logements pour femmes seules dans les lieux.

Puis, ce fut un long moment d’errance. L’organisme qui prĂȘte assistance aux personnes Ă  risque d’itinĂ©rance se retrouvait lui mĂȘme sans abri.

Des locaux et des sous-sols d’église louĂ©s avant que le projet sur la rue Lajeunesse ne voie le jour. La rĂ©alisation de ces logements est une solution structurante pour l’organisme.

À partir du moment oĂč l’organisme commence Ă  investir, il opte pour mettre de l’argent dans les activitĂ©s au lieu de le mettre dans les locations. L’Ɠuvre de l’organisme se poursuit malgrĂ© les embĂ»ches.

Processus difficile

Les travaux de transformation du vieil immeuble ont Ă©tĂ© lancĂ©s en septembre, l’annĂ©e passĂ©e. Miracle Lajeunesse est d’abord un refuge pour femmes seules ou avec un enfant, elles occupent la moitiĂ© des logements.

Puis, ce sont des personnes seules immigrantes sur le point de se retrouver à vivre dans la rue qui en bénéficient. Un des studios est réservé à une personne handicapée autonome.

Avec un financement de départ de la Ville de Montréal de 3,4 M$, les coûts ont vite explosé. Il a fallu alors faire des acrobaties comptables pour pouvoir terminer le chantier.

Le SCRI dĂ©cide d’aller chercher un prĂȘt de 1,5 M$ auprĂšs de Desjardins pour achever le travail.

Un prĂȘt que l’organisme souhaite voir Ă©ponger par la Ville. Le processus est en cours.

Les douze logements que propose le SCRI sont une bouffĂ©e d’oxygĂšne pour des gens qui auraient du mal Ă  se trouver un toit sur le marchĂ©. Elles et ils bĂ©nĂ©ficient tous de loyers subventionnĂ©s. Leur rĂ©sidence est un rĂ©pit sur le chemin de leur stabilitĂ©.

Mediatrice Iradukunda qui est arrivĂ©e de son Burundi natal il y a six ans au QuĂ©bec passait d’une colocation Ă  une autre.

«C’était trĂšs cher et dĂ©stabilisant», se souvient-elle. Elle occupe depuis juillet son studio sur la Jeunesse, complĂštement Ă©quipĂ©, propre et lumineux.

«Je suis trÚs heureuse ici», confie-t-elle, en souriant.

Le SCRI rattrape ceux qui trĂ©buchent et les aide Ă  se relever. Le logement est essentiel dans un processus d’intĂ©gration.

Aider tout le monde

Le SCRI tend aussi une main secourable Ă  ceux qui viennent d’ailleurs et veulent apprendre la langue du pays. La modestie de la grande salle rĂ©servĂ©e Ă  l’enseignement cache en fait un Ă©norme engagement. L’organisme offre des cours de français qu’il finance sur ses fonds propres depuis 25 ans.

«Un groupe, c’est 15 Ă  20 étudiants», avise Saleh Mohamed Younous, coordinateur pour la francisation. Il y a actuellement trois enseignants pour trois groupes. Les sessions de formation sont de 10 semaines Ă  raison de 45 $ par session. Une modeste contribution demandĂ©e aux apprenants alors que l’organisme recrute les enseignants et les rĂ©munĂšre.

Le SCRI voudrait ajouter des cours d’informatique et d’anglais pour ceux qui en ont besoin.

Porter assistance aux immigrants et rĂ©fugiĂ©s, c’est aussi les aider Ă  se mouvoir dans diffĂ©rentes sphĂšres sociales ou de santĂ©.

«Nous faisons des ateliers d’accompagnement en santĂ© mentale. Il y a des gens qui viennent de se sĂ©parer, ils ont besoin de connaĂźtre leurs droits et briser leur isolement», Ă©numĂšre Roxana Quicano, coordinatrice des services, qui a pris les rĂȘnes de l’organisme rĂ©cemment. Le SCRI aide en fait les gens Ă  se dĂ©placer dans le labyrinthe administratif.

«Nous faisons des interventions pour la CNESST ou l’aide sociale», ajoute Mme Quicano.

Et il faut aussi trouver des emplois Ă  des personnes qui ne veulent que travailler. Il ne suffit pas de les aider Ă  rĂ©diger un curriculum vitae selon le modĂšle canadien ou quĂ©bĂ©cois. Le SCRI a dĂ©cidĂ© aussi d’aller chercher des emplois en rĂ©gion signant des ententes avec des entreprises et soutenir les employĂ©s quand ils doivent dĂ©mĂ©nager loin de MontrĂ©al. Tous ces services sont disponibles pour tous ceux qui en ont besoin.

Il reste que ce qui semble faire la vocation du SCRI, le logement, occupe beaucoup les esprits et les Ă©nergies. Un projet de logements collectifs, en collaboration avec Solon, est sur la table. Un bloc de 80 logements est aussi en projet sur le site de l’écoquartier Louvain.

SCRI, 8790, rue Lajeunesse. Friperie, 8782 rue Lajeunesse, à deux minutes de marche du métro Crémazie.

Ce reportage a été réalisé en novembre 2024 alors que Miguel Arevalo était directeur du SCRI. Il a quitté son poste depuis.