Les montréalais en otage

François Di Candido, Échos Montréal, Montréal,
septembre 2024

Des bouchons partout. Des conduites d’eau qui cassent. Des chantiers qui pullulent tous horizons. C’était déjà pénible cet été, mais avec en plus les rentrées automnale et scolaire, depuis septembre, Montréal est un devenue un enfer urbain.

Depuis quelques années, la métropole engendre un stress permanent pour les citoyens. Le grand nombre de chantiers, le contournement quotidien des cônes orange, les déviations de circulation insensées qui vous amènent vers d’autres déviations de circulation, voire même carrément des culs-de-sac, le tout issu d’une planification urbaine incompétente élaborée par des fonctionnaires sans-génie. Bref, une prolifération d’irritants devenus majeurs au fil des années, source d’agacement qui enrage tout autant les automobilistes que les cyclistes et les piétons de notre ville jadis pourtant si agréable et où il faisait autrefois bon de se promener. De nos jours, c’est plutôt notre patience collective qui est ponctuellement mise à rude épreuve.

Mais, au-delà de l’érosion drastique de la qualité de la vie que cela cause sur le quotidien des Montréalais (tout comme des touristes d’ailleurs), cela engendre aussi de grandes pertes économiques et un effet désastreux sur le commerce de plusieurs secteurs. Outre une circulation invivable dont la congestion occasionne de ponctuels retards – ce qui engendre invariablement des pertes d’argent -, cette planification chaotique a littéralement étouffé certains secteurs et artères commerciales montréalaises. Et ça, n’en déplaise à la mairesse et au responsable Luc Rabouin, c’est directement imputable à l’administration Plante dont la capacité à l’incompétence ne cesse jamais d’étonner.

Que ce soit au Centre-ville, rue Ste-Catherine où les commerçants exsangues n’en peuvent plus de ces travaux à n’en plus finir qui empoisonnent leur quotidien depuis de longues années et incite une bonne partie de leur clientèle à éviter le secteur. Ou sur le Boulevard St-Laurent, dont les marchands ont subi et subissent encore ponctuellement la catastrophe de chantiers de voirie à répétition qui ont rapetissé jusqu’à peau de chagrin leur achalandage et leur chiffre d’affaires. Idem pour l’avenue Mont-Royal – dont la vocation estivale entièrement piétonnière n’a donné, au mieux que de tièdes résultats – et alors que c’est devenu un exercice de courage et d’habileté que de se frayer un chemin dans les dédales de détours et de rues fermées du Plateau Mont-Royal.

Bref, la métropole est infernale et désagréable depuis plusieurs années, et la situation n’a jamais été pire que sous l’administration de Valérie Plante, de sa bureaucratie incompétente et déconnectée, de sa planification de voirie invraisemblablement mauvaise et de sa gouvernance tout à la fois piètre, niaise, et qui trouve néanmoins le moyen d’être hautaine. Disons-le sans retenue, la Ville de Montréal est dans le pire état que l’on ait connu depuis presque 60 ans. Il semble n’y avoir aucune intelligence stratégique, aucun souci de planification à long terme, aucune capacité d’analyse par rapport au caractère insulaire de Montréal.

Pourtant ce n’est pas comme si l’administration montréalaise était confrontée à des problèmes uniques en leur genre. Toutes les autres grandes villes du monde ont à gérer les mêmes problématiques. Mais elles le font beaucoup, beaucoup mieux que Montréal. Par exemple pour diminuer tout à la fois l’étouffement urbaine et l’engorgement des ponts entourant l’île, pourquoi ne pas songer à adapter la même stratégie que la Ville de Paris, de diviser les jours d’entrée des véhicules automobiles au centre de la métropole par plaques d’immatriculation, et avec alternance sur certains jours de la semaine ? De même, il serait bon de donner beaucoup plus d’incitatifs concrets à utiliser le transport en commun, tout en s’assurant que celui-ci soit en tout temps beaucoup plus fiable que par le passé, et non sujet à de constants retards ou pannes.

Car il semble clair que les chantiers ne cesseront pas de sitôt. Et en attendant qu’un gouvernement s’attaque enfin un jour à deux questions cruciales : « pourquoi les travaux prennent-ils toujours autant de temps au Québec comparativement au reste du monde, tout en étant si peu durables ? ; et « Pourquoi coûtent-ils si chers ? », les citoyens québécois et montréalais continueront de souffrir. Sans oublier un constat incontournable depuis l’arrivée au pouvoir de Projet Montréal : les rues de la ville sont sales, avec des trottoirs malpropres, des poubelles publiques qui débordent tous azimuts, et une gestion des déchets absolument médiocre. Par moments, on se croirait même dans la Calcutta des années ’80 et ’90, où la pauvreté était omniprésente. Comme si Montréal faisait à son tour partie du Tiers-Monde.