Cantley, une nature accueillante… pour les promoteurs immobiliers

Michel Junger, L’Écho de Cantley, Cantley, Février 2023

Connaissez-vous le mont Lorne? C’est la montagne qui s’élève à 180 m au-dessus de la rivière Gatineau entre le centre de ski et le golf Mont Cascades. À son pied se trouve le dernier kilomètre de rive sauvage de la rivière qui reste à Cantley, là où coulaient les cascades qui ont donné leur nom au secteur avant la construction du barrage Chelsea.

Vu de l’autre rive de la Gatineau, du côté de Chelsea, le mont Lorne apparait comme un podium à cinq niveaux, une tête avec deux épaules de chaque côté qui offre des vues spectaculaires sur la rivière et le parc de la Gatineau. Il est couvert d’une forêt remarquable qui abrite des arbres pluricentenaires, certains faisant jusqu’à un mètre et demi de diamètre, et plusieurs espèces végétales et animales en péril.

Le mont Lorne est pourtant menacé par le vaste projet de lotissement Nature 360 (500 lots sur 520 hectares) que Rivière Mont-Cascades inc. a présenté aux citoyens de Cantley en novembre. L’entreprise est très gourmande : elle veut lotir non seulement tout le rivage sur la Gatineau, mais aussi toutes les crêtes dominant la rivière, et même le sommet du mont Lorne.

Ce projet d’étalement urbain en zone récréotouristique, hors du périmètre d’urbanisation, n’est pas conforme au schéma d’aménagement de la MRC des Collines, entré en vigueur en février 2020, ni au nouveau plan d’urbanisme que Cantley tarde à adopter pour se conformer au schéma (elle avait jusqu’en février 2022 pour le faire). En fait, le projet contrevient à la clause que la municipalité a ajoutée à son règlement de lotissement en mai dernier pour interdire la construction de rues en zone récréotouristique.

Or, il semble que la municipalité ait lancé aux lotisseurs le last call au bar ouvert pour un dernier blitz d’étalement urbain avant d’être obligée de respecter les nouvelles règles d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. Nature 360 n’est qu’un de dizaines de projets de lotissement présentés à notre conseil municipal durant la « période de concordance » entre l’entrée en vigueur du schéma d’aménagement de la MRC et celle du nouveau plan d’urbanisme conforme de Cantley.

À la réunion du conseil municipal du 13 décembre, on a demandé au maire pourquoi la municipalité n’avait pas imposé de moratoire sur les projets de lotissement jusqu’à ce que le nouveau plan d’urbanisme soit adopté. Le maire a répondu que l’ancien conseil avait conclu une entente verbale avec les promoteurs immobiliers leur permettant de soumettre durant cette période intérimaire des projets au conseil que celui-ci évaluerait selon l’ancien plan d’urbanisme, et qu’il se sentait lié par cette entente.

Une simple entente verbale? Vérification faite, l’ancien conseil a adopté le 8 juin 2021 la résolution 2021-MC-247 :
« qu’un droit acquis est reconnu pour un projet de lotissement lorsqu’une demande de permis de lotissement […] est déposée avant l’entrée en vigueur des nouveaux règlements d’urbanisme ». Or, la résolution ne défi nit pas ce « droit acquis » ni sa durée. Le maire n’a pas à se sentir redevable aux lotisseurs.

À l’heure de l’urgence climatique et de la crise de la biodiversité, ce n’est pas le temps d’accélérer l’étalement urbain. Il est plutôt temps qu’en matière d’environnement, Cantley se donne une véritable vision, au-delà du simple encadrement des lotisseurs, laquelle doit commencer par la protection de ses écosystèmes exceptionnels.

Cantley donnerait sens à sa devise « une nature accueillante » en négociant ferme avec Rivière Mont-Cascades inc. pour créer un parc naturel riverain du mont Lorne, où elle offrirait un réseau de sentiers de randonnée à ses citoyens tout en assurant la conservation du milieu naturel. Le public pourrait ainsi se promener le long de la rivière, ce qui est actuellement impossible à Cantley, pourtant riveraine de la Gatineau sur près de 20 km. Comme le montre la fermeture récente des sentiers du centre de ski, la municipalité ne doit pas dépendre d’intérêts privés pour donner à ses citoyens accès à la nature sauvage.

Mesdames, messieurs du conseil municipal, faites de Cantley une nature accueillante pour tous, humains et espèces en péril!