Nouvel aspect du parc Louis-Hébert avec l’enrochement en paliers envisagé par Hydro-Québec. (Photo : courtoisie Hydro-Québec)

Mur Simon-Sicard : après l’enrochement… les arbres

 Amine Esseghir, journaldesvoisins.com, Ahuntsic-Cartierville, Septembre 2022

 

Les gens veulent accéder à la rive certes, mais veulent garder leurs arbres aussi.

Les travaux de consolidation du mur de soutènement en amont du barrage Simon-Sicard se feront par un enrochement sur toute la longueur certes, mais pas n’importe lequel. Ce sera un remblai en paliers qui favorisera la vue de l’eau et l’accès à la rive.

Or, ce projet qui semble prendre en compte toutes les critiques formulées jusqu’à maintenant par les citoyens depuis le premier enrochement, suscite une nouvelle grogne.

Hydro-Québec devra couper 25 à 30 arbres matures qui font la particularité du parc Louis-Hebert.

L’exclamation collective de la nombreuse assistance – environ 80 personnes – réunie à la maison de la culture d’Ahuntsic-Cartierville le soir du 15 septembre ne laissait place à aucun doute.

Les représentants de la compagnie d’électricité venaient de connaître un revers bruyant en présentant la nouvelle option pour le renforcement du mur qui retient, sur 1,3 km, la berge en amont du barrage Simon-Sicard, sur la rivière des Prairies.

En gris, les sections du mur déjà renforcées par un enrochement massif. En rouge, les parties qui seront aménagées avec un enrochement en paliers. (Photo : courtoisie Hydro-Québec).

Trois sections du mur ont déjà été consolidées, entre 2018 et 2019, par un enrochement massif sur cette longue infrastructure construite en 1929. Les travaux ont été menés sans consultation à cause de l’urgence des menaces. Le mur allait s’effondrer dans l’eau à certains endroits.

Le résultat a été depuis ardemment critiqué par les riverains, par des citoyens concernés par le milieu naturel, par des visiteurs.

Hydro-Québec a pourtant refait ses devoirs. De belles illustrations ont été présentées. De grandes marches végétalisées qui descendent tranquillement vers l’eau. Une ambiance paisible devant une eau calme dans un décor verdoyant. Les clôtures métalliques actuellement en place qui bloquent l’accès à la rive disparaissent. Le nouveau projet devrait coûter autour de 20 M$ selon les estimations préliminaires.

Mais pour faire passer les engins et les matériaux, poser les installations du chantier, il faudra traverser la terre ferme et cela ne peut pas se faire sans couper des arbres.

« On vous a entendu. Les arbres ont une valeur extraordinaire, surtout en ville. Ils sont très précieux », a admis le Conseiller – Relations avec le milieu chez Hydro-Québec, Jonathan Laporte.

Les représentants de la compagnie d’électricité ont tenté de nuancer leurs propos. Le nombre important d’arbres à abattre est une première estimation. Tout est encore à étudier. Le but n’est pas de couper pour le plaisir.

« C’est le pire des scénarios », a prévenu M. Laporte. Il a rappelé que lors de la première phase, derrière l’école Sophie-Barat, le nombre d’abattages prévu était plus important que ce qui a été fait à la fin. Hydro-Québec a pu optimiser les chemins pour en couper le moins possible.

« Ce chiffre vous a été présenté pour être bien transparent avec vous. Oui, il y aura des coupes et on veut les diminuer le plus possible », a tenu à rassurer la chargée de projet en environnement, Christine Vadeboncoeur.

Arbres du parc Louis-Hébert
Les arbres du parc Louis-Hébert. (Photo : courtoisie Hydro-Québec)

Et puis, probablement que quelques arbres ont déjà été coupés par l’arrondissement dans le cadre de la lutte contre l’agrile du frêne. Il se pourrait qu’ils soient du nombre de ceux à enlever.

«Il y a 11 frênes. Est-ce qu’ils ont déjà été coupés? Peut-être que oui», s’est demandé M. Laporte.

Des citoyens ont suggéré de passer par l’eau, avec des barges, et ainsi préserver le parc et ses arbres.

Moins invasif
Ces arbres, et sans vouloir faire un mauvais jeu de mots, ont failli cacher la forêt de l’annonce principale qui était l’option prise par Hydro-Québec pour compléter le renforcement du mur en rive du barrage Simon-Sicard.

En fait, c’est après les pots que les fleurs ont été jetées aux représentants d’Hydro-Québec.

« C’est une bonne idée, a reconnu une résidante du quartier, également historienne de l’art , Marie-Louise Pépin. Est-ce que ce remblai en paliers aura une unité visuelle avec les travaux qui ont été faits précédemment? »

Elle soulignait aussi la nécessité de prendre en compte les avis des citoyens quand arrivera le temps de la réalisation pour des questions d’esthétique.

« Par rapport à la continuité entre les travaux qui ont déjà été faits et ceux que vous prévoyez faire, est-ce qu’il y a un chemin qui est prévu, qui va longer tout ça? », a demandé le candidat de Québec solidaire aux élections provinciales, Haroun Bouazzi.

Il évoquait en fait la Promenade du Sault, une suggestion de citoyens qui voulaient qu’Hydro-Québec rende accessible les berges malgré l’énorme enrochement posé sur le bord de la rivière.

« L’idée de faire un chemin sur le bord de la rive n’a pas été retenue pour la simple et bonne raison qu’il y a des résidences et des institutions qui sont là. Donc la rive n’est pas complètement publique », a répondu M. Laporte.

Cela nécessitait des démarches pour signer des ententes ou ordonner des expropriations que l’entreprise ne veut pas entreprendre.

Toutefois, Hydro-Québec va abaisser la hauteur du remblai déjà posé de 60 cm et réduire l’obstruction de la vue et de l’accès. Pour donner une idée de ce que cela aura comme aspect, une placette éphémère sera aménagée au bout de la rue du Fort-Lorette.

« Vraiment, continuez. Je vous encourage. Vous êtes capables de faire quelque chose de bien. Alors bon courage de travailler. Merci », a déclaré André Gravel, résidant très engagé à Ahuntsic-Cartierville, non sans rappeler que le résultat des travaux précédents ont surpris les gens du secteur.

Parmi les présents, certains ont demandé à prendre en compte la végétation et prévoir des plantes indigènes adaptées au milieu.

« Vous l’avez répété plusieurs fois, vous voyez un barrage, les résidants ici, voient une rivière, ils voient des parcs. Il faut le voir de votre côté de cette manière-là. Je vous invite à inclure des résidants, pas seulement en consultation, mais dans vos discussions et vos réflexions », a souligné Jean, qui réside près du parc Louis-Hébert.

Le projet en est à ses premiers jalons. L’ingénierie n’est pas très avancée et Hydro-Québec doit encore préparer son étude d’impact sur l’environnement d’ici le printemps pour la présenter au Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE).

Si le projet passe l’examen des évaluations environnementales et obtient les permis nécessaires d’ici deux ans, les travaux s’effectueront entre 2025 et 2027.