Des Clowns à la police

Mercedes Domingue, Echos, Montréal, janvier 2022

 

La pandémie aura servi à faire sortir de leur torpeur toute une frange d’illuminés au sein de la population. Avec leur fanatisme déconnecté et leur nombrilisme égocentré poussé à l’extrême, ils se vautrent dans une ignorance volontaire, où prime la mauvaise foi et où il n’y a que peu de place pour la raison et le bon sens.
À chacun donc d’y aller de son analyse abracadabrante pseudo-scientifique (« j’ai fait mes recherches », « j’ai vu des vidéos sur Youtube, Facebook et Twitter »), répandant aux quatre vents leur désinformation tel un virus corollaire à celui de la Covid-19, et alléguant une variété de théories farfelues qui non seulement ne sont justifiées par aucun fondement scientifique, mais qui surtout mettent carrément la vie d’autres personnes en danger.
Mais là où on dépasse à nouveau l’entendement, dans un énième navrant exemple du « je, me, moi… » le plus déphasé possible, c’est quand on entend des policiers indiquer qu’ils ne respectent pas les ordres donnés par leurs supérieurs car la vaccination va à l’encontre de ce qu’ils perçoivent comme leur mission en tant que représentants des forces de l’ordre. Les trois policiers dont il est ici question sont Marie-Claude Nadeau, Ian Patras et Stéphane Lamarre. Donc, en plus de refuser de faire adéquatement le travail pour lequel ils sont payés et qui fait partie de leurs responsabilités, dans la même veine ils deviennent apparemment tous les trois : des politiciens, contestant les instructions qu’ils reçoivent de leurs chefs (et par extension du gouvernement) en arguant que c’est à l’Assemblée du Québec de déterminer les politiques sociales à appliquer en ces temps pandémiques ; doublés de spécialistes en santé publique, alors que dans leur grande expertise ils jugent les mesures sanitaires mauvaises et ne veulent donc pas les faire appliquer.
Il est ici plus que pertinent de mentionner que ces trois zigotos des forces de l’ordre sont adeptes du mouvement Police for Freedom, (Policiers pour la Liberté), un mouvement idéologique espagnol d’extrême-droite anti-étatiste, qui n’est pas sans rappeler les extrêmes politiques des années franquistes. Apparemment, les trois contestataires de pacotille ne se considèreraient pas comme liés aux lois et règlements établis par le gouvernement, mais ils se verraient plutôt comme des espèces de rebelles dans la lignée de Nelson Mandela.
Il semble qu’on en est rendus là. Les huluberlus anti-mesures gouvernementales font même partie de l’appareil policier maintenant. Tant qu’à y être dans leur lubie, on aurait envie de leur suggérer de partir aussi en croisade contre l’interdiction du cellulaire au volant ou contre le port de la ceinture de sécurité en voiture, ou – pourquoi pas – de militer pour le droit de boire de l’alcool en conduisant.
Il est plus que temps que cesse cette folie de la démesure égotique, qui dans ce cas présent a le malencontreux effet de porter ombrage à l’ensemble du corps policier, dont le dévouement, moins médiatisé que celui du personnel hospitalier, n’en est pas moins admirable depuis le début de la pandémie.
Il n’appartient pas à ces trois individus fantasques de jouer aux justiciers de pâquerette et de décider de quelles lois appliquer ou non. Il y a des juges et des tribunaux pour ce faire et, n’en déplaise aux complotistes de salon, dans notre système démocratique, les lois sont établies par la majorité, et les droits de l’ensemble des citoyens ne doivent pas être brimés par ceux d’une petite minorité comme c’est le cas depuis trop longtemps