La bâtisseuse, Maysoun Faouri (Photo : courtoisie)

Maysoun Faouri, bâtisseuse de la cité : « j’avais brûlé mon bateau de retour! »

Hassan Laghcha, Journaldesvoisins.com, Ahuntsic-Carterville, décembre 2021

Maysoun Faouri décrit ainsi sa première rencontre, au début des années 90, avec son nouveau pays qui, plus de trente ans après, va lui rendre un vibrant hommage en la nommant Bâtisseuse de la Cité, hommage qu’elle reçoit en 2017 de la part de l’arrondissement. Notamment, pour ses réalisations à la tête de l’organisme Concertation-Femme, entre autres bienfaits de cette architecte de métier et d’âme qui impressionne par sa capacité à mener en même temps plusieurs projets avec lucidité et une excellente organisation.

Maysoun Faouri se souvient, le sourire aux lèvres, de ses amies de jeunesse en Syrie la dissuadant de partir. « On me disait que je serai toujours étrangère, vivant à la marge de la société. Au moins ici, c’est ton propre pays, malgré tout… »

Mais la décision de cette fonceuse était prise. Elle savait qu’elle n’est pas du genre à passer toute sa vie à la marge de la société. « Je veux être au cœur de la société! »

C’était le leitmotiv qui a toujours inspiré cette néo-québécoise de première génération qui, elle-même, inspire beaucoup de grandes dames de notre quartier, et à leur tête la mairesse Émilie Thuillier, qui dit d’elle : « Elle organise entre autres des ateliers avec les mères et les filles issues de l’immigration qui vivent un clash de culture à l’adolescence pour essayer de retisser les liens. Elle travaille aussi au dépistage du cancer du sein chez des femmes qui, pour des raisons culturelles, ne sont pas rejointes par le système de santé quand vient le temps de passer des mammographies. Elle fait des projets extraordinaires. »

Le secret de sa réussite…

Pour Maysoun, il n’y a pas vraiment de formule magique pour réussir. « De l’organisation et surtout de la volonté! » dit-elle, se rappelant ô combien elle était heureuse de sa nouvelle vie à Montréal.

« C’était un projet voulu et désiré. Je n’ai jamais eu un pied ici et un pied dans mon pays d’origine, affirme-t-elle. Si devant le moindre obstacle et à chaque nouvel échec, on pense au retour, on ne peut pas avancer et encore moins percer dans la société. »

À une époque où les structures d’accueil et d’accompagnement des nouveaux arrivants se faisaient rares, la porte d’entrée de Maysoun Faouri à la société québécoise était Concertation-Femme où elle s’était chargée, à ses tout débuts, de la halte-garderie.

« Il fallait que je travaille, m’impliquer à fond dans la société, côtoyer les gens notamment pour améliorer la qualité de mon français, sans quoi je ne pourrais pas passer l’examen de l’ordre des architectes », dit Maysoun.

Elle se souvient avec beaucoup d’émotion du contraste où elle s’était trouvée, au début de sa nouvelle vie, elle, l’architecte, qui avait cumulé huit ans d’expérience dans son pays natal, à s’occuper de la création de la garderie, de A à Z.

« Je faisais tout, l’entretien, l’aménage- ment, la comptabilité, la publicité, etc. Mais, passés quelques moments de désenchantement et de pleurs, j’ai retrouvé mon esprit positif et ma volonté. J’ai fini par aimer ce que je faisais, se rappelle-t-elle. Surtout, lorsqu’on voit les bienfaits sur les enfants, sur les mamans, sur le fonctionnement de l’organisme…et aussi sur soi, psychologiquement. Cela n’a pas de prix. »

Au début était la femme…fière de l’être, parmi des hommes!

Parallèlement à son travail, le jour, à Concertation-Femme, Maysoun poursuit ses études, en soirée, à l’UQAM au baccalauréat en éducation…Et ce faisant, elle a mis au monde deux adorables enfants. Il faut le faire!

En fait, ce caractère remarquable du processus d’intégration de Maysoun était lié à son parcours dans son pays d’origine. « Comme architecte, et après les étapes du travail de bureau relatifs à la conception sur papier des plans des projets, j’insistais auprès des directeurs de projets pour que j’aille, moi aussi, aux chantiers avec les hommes, dit-elle. Mon insistance a fini par payer et j’étais autorisée à faire partie des architectes qui vont sur le terrain au même titre que les hommes. Je me sentais très fière de moi. »

De toute évidence, cette fougue a accompagné Maysoun Faouri dans sa volonté d’intégration au Québec. Consciente que le succès d’un projet d’une nouvelle vie dans un nouveau pays se joue dans les premiers moments, elle a, dès le début, multiplié ses démarches d’engagement dans la vie du quartier. À commencer par les conseils d’établissement des écoles de ses enfants, du primaire jusqu’au cégep. Et plus tard, comme membre des conseils d’administration des organismes : CLIC Bordeaux-Cartierville et Solidarité Ahuntsic et vice-présidente de l’organisme Au rendez-vous des cultures, entre autres. Et maintenant comme administratrice au conseil de Journaldesvoisins.com. Autant d’occasions précieuses qui lui ont permis aussi d’approfondir ses connaissances concrètes des différentes facettes de l’intégration des nouveaux Québécois.

Elle précise : « Tout particulièrement, ces expériences m’ont permis d’avoir une idée assez claire notamment en ce qui concerne les parcours des enfants issus de l’immigration et leurs difficultés éventuelles. » Ce qui va lui inspirer, par la suite, entre autres, de beaux projets d’ateliers au profit des adolescentes et leurs mamans.

Aujourd’hui, elle se réjouit de la chance qu’elle a d’être toujours entourée par des femmes extraordinaires, des femmes de toutes origines (d’ici et d’ailleurs) avec qui elle partage sa vie.

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