Double contrainte de la pandémie. Madame Mulcair n’a pu recevoir son portrait intitulé « La belle dame » dû aux contraintes sanitaires. Elle a, tout de même, pu l’admirer grâce à la tablette de son fils. Photo : Thomas Mulcair

Portrait de la doyenne Jeanne Hurtubise Mulcair

Jacinthe Laliberté, Journal des citoyens, Prévost, le 19 février 2021

L’artiste Huguette Lagacé-Bourbeau est une des sept artistes peintres du Collectif Artistes des Lacs à avoir participé au projet « Un hommage aux aînés de la municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs».

La pandémie avec ses « si » et ses « peut-être » n’avait jamais donné lieu à une rencontre permettant la remise de l’œuvre à la future propriétaire qui n’était nulle autre que madame Jeanne Mulcair, une doyenne de Sainte-Anne-des-Lacs.

Huguette a beaucoup hésité avant de donner son accord. N’étant pas portraitiste, elle sortait de sa zone de confort. D’une courte biographie de madame Mulcair, retrouvée dans L’Étoile de Sainte-Anne-des-Lacs et d’une photo avec un bébé de cette dernière dans les bras, remises par la famille, la connexion s’est rapidement établie, et cela sans aucun échange sous quelque forme que ce soit.

Lors de la remise officielle du tableau intitulé La belle dame, l’émotion était palpable. Trois générations de la famille Mulcair étaient présentes : Thomas, le fils; Grégory, le petit-fils; et Léonard, l’arrière-petit-fils, le bébé de la photo maintenant âgé de 3 ans. Seule l’aïeule, confinée dans la petite résidence privée où elle demeure depuis deux ans, n’a pu vivre ce moment magique.

 

La petite histoire de Jeanne Hurtubise Mulcair

 

Madame Mulcair, de son nom de jeune fille, Jeanne Hurtubise, est la fille de Pierre Hurtubise, maire fondateur de Sainte-Anne-des-Lacs de 1946 à 1951 et l’arrière-petite-fille de l’Honorable Honoré Mercier, premier ministre du Québec de 1887 à 1891.

Âgée de 89 ans et native de Montréal, elle passait ses vacances à la ferme avicole familiale de Sainte-Anne-des-Lacs. En 1973, la famille Mulcair y déménagea, en permanence. Thomas Mulcair, son fils et homme politique bien connu, revendique, avec raison, la lignée de six générations de cette famille dont les grands-parents de Jeanne firent partie des premiers venus à Sainte-Anne-des-Lacs.

Mère de dix enfants et enseignante de formation, les enfants furent sa vie, sa passion, ses amours. Elle décrocha un poste d’enseignante de français à l’école Boys Farm, maintenant Batshaw, où elle travailla pendant environ une dizaine d’années. Fidèle défenseure de sa langue et de sa culture, Jeanne s’assura que ses enfants reçoivent une formation dans les deux langues, anglaise et française.

 

De l’imaginaire vers la réalité

Les techniques utilisées par Huguette sont nombreuses. Toutefois, l’imaginaire est sa principale source d’inspiration. Les personnages font partie de ses tableaux, néanmoins, elle les veut universels, aucune ressemblance avec personne. Elle laisse le visage arriver de lui-même. Le personnage devient, alors, le prétexte et non plus le sujet principal.

« Cette fois-ci, travaillant avec une photo où je retrouvais une très belle dame avec un bébé dans les bras, ce fut le cœur et non l’imaginaire qui a pris le dessus », a précisé Huguette.

Un tableau où la symbolique a eu préséance sur la technique. L’artiste a tenu à expliquer, aux membres de la famille, à différents moments de la rencontre, certains des éléments de sa toile : « L’arbre, c’est la vie et la continuité du temps. Le petit couple dans ce vieil arbre avec ses branches croches, a du vécu, tout comme l’arbre contrairement à celui qui émerge en arrière, tout petit, comme le bébé que madame Mulcair tient dans ses bras. »

Le petit oiseau blanc, un oiseau de paix, la couleur jaune du fond de la toile, témoignage de la chaleur dégagée par cette dame et, finalement, le petit collage en forme de cœur représentant des enfants qui lisent un livre, petit clin d’œil de l’artiste à la profession d’enseignante, symbolise des passages de la vie familiale dont Thomas Mulcair pouvait témoigner.

La belle dame

D’après l’artiste peintre, le regard, c’est la chose la plus importante dans un portrait. C’est à partir de ce regard qu’il y a quelque chose qui se passe. L’endroit où le regard se pose, devient l’essence du portrait.

« Ce regard de La belle dame était tel que je n’avais de choix que d’essayer de le reproduire. Il dépeignait bien l’attachement de cette arrière-grand-maman pour ce bébé. Je percevais l’émotion entre elle et l’enfant. Le commentaire de monsieur Mulcair à l’effet que je l’avais bien saisie ainsi que sa réaction lors du dévoilement m’ont bien touchée », a expliqué Huguette.

D’ailleurs, Thomas Mulcair, en découvrant la toile recouverte d’un voile, s’écria spontanément, le visage imprégné d’une émotion facilement détectable : « Maman a toujours eu un bébé dans les bras. Elle n’était heureuse que lorsqu’elle était entourée d’enfants. »

Philippe Faucher, initiateur du projet « Hommage aux ainés » y est allé d’un épilogue de peintre à peintre : « … je pense au petit garçon, devenu grand, qui vivra avec cette image de son arrière-grand-mère. Quelle force, quel soutien il trouvera dans cette image qui le représente dans un bain de bonté et d’affection! L’artiste peintre mérite à jamais toute sa reconnaissance. »