La ville dans 10 ans

Paul-Henri Frenière, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, janvier 2019

À quoi ressemblera Saint-Hyacinthe dans 10 ans? Si l’on se fie aux orientations prises par le maire Claude Corbeil et le directeur général Louis Bilodeau, tout porte à croire que le visage de « La Jolie » subira un sérieux traitement au Botox.

Déjà, sous l’administration Corbeil-Bilodeau, le nord de la ville a été repimpé avec le nouveau centre municipal des congrès et l’hôtel de 17 étages qui s’y jouxte. De nouveaux édifices ont poussé tout autour.

Le prochain chantier dans la mire des décideurs se situe au cœur même de la ville, là où tout a commencé, en 1763, avec de qu’on appelait « le Village de la Cascade ». Il faut dire qu’il avait bien besoin d’être rafraichi celui-là, depuis le temps qu’il manquait d’amour.

On a d’abord pensé a y érigé une grande tour aux abords de la Yamaska. Mais la population du secteur n’en voulait pas. À juste titre d’ailleurs : en quoi cela aurait amélioré leur sort? Pire, des dommages à leur environnement étaient prévisibles.

Le tandem Corbeil-Bilodeau a donc révisé ses plans et a commandé un ambitieux projet à une firme réputée : des édifices un peu moins hauts mais plus nombreux où pourraient se loger, entre autres, des retraités autonomes et fortunés.

La vue imprenable sur la rivière et l’accès direct à la Promenade fraîchement rénovée créeraient à coup sûr « l’effet wow! ». Mais on ne fait pas des omelettes sans casser des œufs. Et, dans un quartier déjà pas mal habité, on ne construit pas du neuf sans démolir du vieux

Et ce n’est pas tout. Il faudra également raser des maisons pour aménager de nouveaux stationnements, question de faire de la place aux incontournables voitures. Commerce oblige.

Mais il y a un petit détail que les décideurs semblent oublier. Il y a des gens qui vivent là, et parfois depuis fort longtemps. De vrais humains existent derrière les plans bien dessinés et les colonnes de chiffres.

Les nouveaux logements seront probablement inabordables pour eux. Ils n’auront d’autres choix que de s’en aller ailleurs. En réaction à l’embourgeoisement prévisible, on risque de voir une migration vers les secteurs Hertel-Notre-Dame, Saint-Joseph et La Providence, par exemple.

Et dans 10 ans – si le plan municipal tient la route –, ces quartiers seront charcutés d’une bonne partie de leurs trottoirs. Dire que tout ce chambardement aura été fait sans une réelle consultation populaire, mais dans un simulacre de démocratie. Je pense à ces personnes âgées qui, en plus d’avoir été déracinées de leur quartier, n’auront que le milieu de la rue pour marcher.

Mais il y aurait peut-être une solution. Partielle du moins. Que les entrepreneurs qui bâtiront des édifices neufs au centre-ville aient l’obligation de consacrer un certain nombre de logements sociaux et abordables. Ça se fait ailleurs. À Montréal, par exemple, la mairesse Valérie Plante veut imposer des quotas d’au moins 20% de tels logements pour les nouveaux projets immobiliers. Le droit à un logement décent doit passer avant les profits des empereurs de la brique.

À Saint-Hyacinthe, on verra bien dans 10 ans…